I. Introduction
1. Par sa résolution 2295 (2016), le Conseil de sécurité a prorogé le mandat de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) jusqu’au 30 juin 2017 et m’a prié de lui faire rapport tous les trois mois sur la suite donnée à sa résolution, en particulier sur les progrès accomplis dans l’application de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali et l’action menée par la MINUSMA pour l’appuyer.
II. Faits politiques importants
Mise en oeuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali
2. Les parties signataires de l’Accord ont exécuté certaines des mesures prises à titre provisoire relatives à la politique et la sécurité qui y sont prévues; elles ont notamment mis en place des autorités intérimaires dans trois des cinq régions du nord et organisé des patrouilles mixtes. Ces progrès ont été accomplis malgré l’intensification des attaques perpétrées contre les parties signataires par des acteurs n’ayant pas adhéré au processus de paix. Alors que l’on craignait que l’attentat commis à Gao le 18 janvier, qui a fait 54 morts parmi les agents des patrouilles mixtes, entraîne l’effondrement du processus de paix, les parties ont réaffirmé leur attachement au processus et engagé un dialogue constructif. Les efforts déployés par l’équipe de médiation internationale et le recours efficace de la MINUSMA à ses bons offices ont considérablement aidé les parties à obtenir des résultats concrets sur le terrain. Cela étant, les progrès accomplis dans des domaines essentiels à la stabilisation du pays, tels que le rétablissement de l’autorité de l’État dans le centre et le nord du pays et la réforme du secteur de la sécurité, sont restés limités. Le Gouvernement et les groupes armés signataires ne sont toujours pas tombés d’accord sur la durée de la période de transition, les objectifs et l’ampleur de la Conférence d’entente nationale, ainsi que la tenue des élections et le statut des factions armées.
3. Le Comité de suivi de l’Accord a poursuivi ses travaux, malgré les tensions persistantes entre les parties signataires, tandis que l’équipe de médiation internationale déployait d’intenses efforts pour les faire dialoguer. Après que la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) s’est retirée du Comité le 20 décembre, l’équipe de médiation internationale, dont fait partie la MINUSMA, a conti nué d’encourager le groupe à réintégrer le Comité. Le 16 janvier, la MINUSMA et d’autres parties prenantes se sont entretenues à Kidal avec les dirigeants de la CMA et ont souligné l’importance de sa participation. La CMA a déploré ce qu ’elle considérait comme un manque d’ouverture au niveau des prises de décisions et de mise en oeuvre ainsi que les retards pris dans l’exécution des mesures intérimaires, entre autres problèmes. Elle a maintenu sa demande tendant à ce qu ’une réunion de haut niveau soit organisée en dehors de Bamako pour sortir de l’impasse. La quinzième réunion du Comité de suivi de l’Accord, tenue le 30 janvier à Bamako, s’est déroulée en l’absence de la CMA. Au milieu de la réunion, les représentants de la coalition de groupes armés Plateforme se sont retirés par solidarité avec la CMA.
4. Le Gouvernement a néanmoins accepté de tenir une réunion de haut niveau du Comité de suivi de l’Accord à Bamako en février. L’équipe de médiation internationale s’est ensuite entretenue avec les trois parties signataires dans le cadre d’une réunion bilatérale et a souligné qu ’il importait qu’elles contribuent de bonne foi à sortir de l’impasse dans laquelle se trouvait le processus de paix. Le 31 janvier, les parties signataires ont accepté de créer un groupe de travail tripartite dirigé par le président du Comité et chargé de préparer la réunion de haut niveau. Les réunions du groupe de travail se sont tenues du 7 au 9 février à Bamako avec l’appui de l’équipe de médiation internationale. Les participants ont établi un exposé de principes, dans lequel ils ont énoncé les obstacles à l’application de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali et formulé des recommandations sur les moyens de les surmonter. La MINUSMA a fourni un appui technique, logistique et financier pour ces réunions.
5. Le 10 février, le médiateur principal et Ministre d’État et Ministre des affaires étrangères et de la coopération internationale algérien, Ramtane Lamamra, a convoqué une réunion de haut niveau du Comité de suivi de l’Accord. La délégation malienne était dirigée par le Ministre des affaires étrangères, de la coopération internationale et de l’intégration africaine, Abdoulaye Diop, et était composée du Ministre de la défense et des anciens combattants, du Ministre de la sécur ité et de la protection civile et du Ministre de la décentralisation et de la réforme de l’État. Le médiateur malien, Baba Hakim Haïdara, et le Haut-Représentant du Président chargé d’assurer le suivi de l’application de l’Accord, Mahamadou Diagouraga, étaient également présents. La CMA et la Plateforme étaient représentées au plus haut niveau. L’équipe de médiation internationale était représentée par des ministres des gouvernements algérien, mauritanien et nigérien et par des représentants de haut niveau de l’Union africaine, du Gouvernement français et de la MINUSMA.
6. La réunion a donné un nouvel élan à l’application de l’Accord pour la paix, après que les participants ont accepté d’établir un nouveau calendrier et de nouvelles modalités pour les principal es mesures de transition restant à exécuter, à savoir la mise en place d’autorités intérimaires dans les cinq régions du nord entre le 13 et le 20 février et l’organisation de patrouilles mixtes, la première ayant eu lieu à Gao le 20 février. Les participants ont également décidé d’allouer des postes aux autorités intérimaires et aux collèges transitoires. Le Gouvernement s ’est engagé à consulter les groupes armés signataires au sujet du processus de révision constitutionnelle, à uniformiser le statut des combattants des groupes armés participant aux patrouilles mixtes avec celui des forces armées maliennes, à indemniser les familles des victimes de l’attentat perpétré le 18 janvier contre le Mécanisme opérationnel de coordination à Gao, à assurer les moyens d’existence des combattants dans les camps du Mécanisme de Gao, Kidal et Tombouctou et à réexaminer les nominations faites dans les bureaux régionaux de la Commission nationale pour le désarmement, la démobilisation et la réinsertion et de la Commission Vérité, justice et réconciliation, en consultation avec les groupes armés signataires. Les participants ont également approuvé la mise en place d’un dispositif de consultation de haut niveau pour assurer un suivi approprié entre les réunions du Comité de suivi de l’Accord, sous la direction du Haut-Représentant du Président, associer toutes les parties à l’organisation de la Conférence d’entente nationale et nommer un observateur indépendant dans les plus brefs délais.
7. Les parties signataires se sont finalement accordées sur la nomination des autorités intérimaires pour les cinq régions le 15 février. Le Gouvernement a nommé un membre de la CMA à la tête de l’autorité intérimaire de la région de Kidal, un membre du Mouvement pour le salut de l’Azawad à la tête du collège transitoire de la région de Ménaka et l’un de ses propres représentants à la tête du collège transitoire de Taoudénit. La Plateforme et la CMA ont chacune nommé un de leurs membres à la tête des autorités intérimaires de Gao et Tombouctou, res pectivement. Une seule femme a été nommée, au poste de première vice -présidente du collège transitoire de Ménaka. Malgré la nomination d’un membre du Mouvement pour le salut de l’Azawad dans la région de Ménaka, d’autres factions ont continué de déplorer leur exclusion de ces nominations.
8. Le 18 février, la mise en place de l’autorité intérimaire de la région de Kidal a été reportée à la suite d’objections formulées par la CMA concernant la nomination d’un nouveau gouverneur pour la région la veille de la cérémonie d’inauguration, au motif qu’il avait des liens présumés avec le Groupe d’autodéfense des Touaregs Imghad et leurs alliés. La CMA a également boycotté le lancement des patrouilles mixtes à Gao le 20 février. Le 24 février, le Haut-Représentant du Président a annoncé que les parties signataires s’étaient accordées sur un nouveau délai pour la mise en place des autorités intérimaires. L’entrée en fonction de celles-ci s’est faite le 28 février à Kidal et le 2 mars à Gao et Ménaka mais a été reportée sine die à Tombouctou et Taoudénit où des hostilités avaient éclaté. Le 5 mars, deux factions du Mouvement arabe de l’Azawad (MAA), toutes deux associées à la CMA et à la Plateforme, ont attaqué deux postes de contr ôle des forces armées maliennes aux abords de Tombouctou et les ont occupés pendant environ cinq jours. Elles étaient opposées à la nomination d’un représentant du Gouvernement à la tête du collège transitoire de Taoudénit, région la communauté arabe prédo mine largement. La MINUSMA a immédiatement publié une déclaration dans laquelle elle a condamné les violations du cessez-le-feu, renforcé sa présence à Tombouctou et déployé des observateurs militaires chargés d’évaluer la situation, et les parties signataires ont déployé une équipe mixte de suivi et de vérification. Au moment de l’établissement du présent rapport, les négociations entre les parties signataires en vue de résoudre ce problème se poursuivaient.
9. Le Gouvernement a accéléré les préparatifs de la Conférence d’entente nationale. Le 13 février, M. Haïdara, président du comité préparatoire, a désigné des représentants de ministères, de la société civile et d’associations de femmes membres du comité, parmi lesquels 32 % de femmes et des représentants de divers groupes ethniques. Comme convenu à la réunion de haut niveau, il s ’est entretenu avec les chefs des groupes armés signataires le 14 février et les a invités une nouvelle fois à désigner des représentants. La CMA et la Plateforme ont l’une et l’autre convenu et souligné qu’il fallait mettre en place des autorités intérimaires et accélérer le cantonnement et le désarmement, ainsi que la démobilisation et la réintégration avant la conférence. Elles ont également réaffirmé que la question de l’Azawad devrait être abordée. Les parties de l’opposition se sont déclarées préoccupées par le calendrier serré prévu pour l’organisation de la conférence et ont indiqué que le fait de se concentrer uniquement sur les problèmes rencontrés dans le nord risquait de diviser encore davantage le pays. Les représentants de la société civile ont demandé que les femmes et les jeunes soient davantage représentés dans le cadre de la conférence et de ses préparatifs. M. Haïdara a mené des consultations dans les régions du nord du 10 au 15 février, à l’exception de Kidal, et dans les régions du sud et du centre du 18 au 24 février. La MINUSMA et des experts du Groupe de l’appui à la médiation ont fourni un appui technique et logistique au comité préparatoire, notamment dans le cadre de ses consultations régionales et de sa campagne de sensibilisation. Le 18 mars, le Conseil des ministres a annoncé que la Conférence d’entente nationale se tiendrait du 27 mars au 2 avril à Bamako. Le lendemain, la CMA et la Plateforme ont conjointement adressé une lettre au responsable du Comité de suivi de l’Accord, dans laquelle elles se sont dites inquiètes du manque d’ouverture des consultations sur la planification de la conférence et ont noté l’absence d’autorités intérimaires dans les régions de Taoudénit et Tombouctou et le fait que des consultations devaient encore se tenir dans la région de Kidal. Le 27 mars, la conférence s ’est ouverte sans la participation de parties de l’opposition ni de la CMA. Cette dernière a ensuite accepté de participer après être parvenue à un accord avec le Gouvernement quant aux modalités régissant la tenue de la conférence.
10. Bien qu’elle ait suspendu sa participation au Comité de suivi de l’Accord en décembre, la CMA a continué de participer à l’organisation des patrouilles mixtes à Gao. Le 28 décembre, la CMA a déployé un premier groupe de 113 de ses éléments armés, escorté par la MINUSMA, de Gao à Kidal. Le groupe est arrivé au site de désarmement et d’enregistrement de Gao le 5 janvier. Afin d’inclure des groupes auparavant exclus, le Gouvernement a proposé d’intégrer 150 membres supplémentaires au Mécanisme opérationnel de coordination (75 pour la CMA et la Plateforme, respectivement). La MINUSMA a procédé à une première sélection, à la vérification des antécédents et à l’enregistrement de combattants de la CMA, y compris des combattants qui arriveraient plus tard de Ber (région de Tombouctou). Elle a identifié 10 mineurs au total parmi les éléments de la CMA et de la Plateforme et prend actuellement les me sures qui s’imposent (voir par. 39 et 40 ci-après).
11. L’engagement des parties signataires dans le processus de paix a été mis à l’épreuve le 18 janvier, lorsqu’un véhicule piégé a explosé dans le camp du Mécanisme opérationnel de coordination à Gao, faisan t 54 morts et plus de 100 blessés. L’attentat a eu lieu alors que plus de 600 éléments des forces armées maliennes, de la CMA et de la Plateforme s’apprêtaient à effectuer une patrouille mixte. Al-Mourabitoun, un groupe affilié à Al -Qaida au Maghreb islamique, a revendiqué l’attentat. Immédiatement après, la MINUSMA a déployé une force d’intervention rapide et des moyens de surveillance aériens, mobilisé ses ressources médicales et ses moyens d’évacuation sanitaire et fait soigner les victimes dans son unité médicale de niveau I. Elle a également aidé le Gouvernement à renforcer la sécurité autour du camp et s’est concertée avec les dirigeants de la CMA et de la Plateforme afin qu’ils continuent de participer. Après une réunion d’urgence, organisée par la MINUSMA à Bamako, l’équipe de médiation internationale et les parties signataires ont publié une déclaration conjointe, dans laquelle elles ont condamné l’attentat. Une délégation de haut niveau de la CMA s’est rendue de Kidal à Gao, où, le 20 janvier, une réunion s’est tenue entre les autorités maliennes, les groupes armés signataires et l’équipe de médiation internationale, qui se sont déclarés unanimement résolus à appliquer l’Accord pour la paix et se sont engagés à reprendre le dialogue.
12. Le 23 février, les parties signataires ont envoyé les premières patrouilles mixtes à Gao. La veille, elles avaient convenu d’intégrer huit factions armées dans le Mécanisme opérationnel de coordination. Du 1 er au 3 mars, la MINUSMA a enregistré 175 combattants de ces groupes. Elle a également enregistré 175 armes utilisables et en a confié la gestion au Mécanisme.
13. La Commission nationale pour le désarmement, la démobilisation et la réinsertion et la Commission d’intégration sont entrées en service le 5 janvier. Toutefois, le programme national pour la démobilisation, le désarmement et la réintégration, adopté par le Gouvernement le 8 décembre, n ’est pas encore intégralement financé. La Commission d’intégration n’a pas encore adopté de critères d’intégration des combattants au sein des Forces de défense et de sécurité maliennes. Le 9 février, la MINUSMA a cédé à la Commission nationale pour le désarmement, la démobilisation et la réinsertion le premier des huit sites de cantonnement dont la construction a été achevée à Ber. Elle a continué d’aider le Gouvernement à répondre aux besoins des femmes et des enfants associés à des groupes armés. En décembre, le Gouvernement a nommé, à la Commission nationale pour le désarmement, la démobilisation et la réinsertion, un haut responsable de la défense et un spécialiste de la protection des femmes et des enfants chargés de veiller à la protection des droits des femmes et des enfants.
14. Avec le concours de la MINUSMA, la Commission nationale pour la réforme du secteur de la sécurité a poursuivi ses efforts en vue d’établir la version définitive des plans relatifs à la police territoriale et aux comités consultatifs locaux sur la sécurité. Du 6 au 10 et du 13 au 17 février, les Nations Unies ont dispensé une formation sur les droits de l’homme et la lutte contre le terrorisme à 50 agents chargés de l’application des lois, y compris des membres du personnel de l’unité judiciaire spécialisée du Ministère de la justice et des droits de l’homme chargée d’enquêter sur les infractions liées au t errorisme et à la criminalité transnationale organisée, notamment le trafic de stupéfiants, et d’engager des poursuites contre les auteurs. Des entités des Nations Unies ont continué d’apporter leur appui à l’élaboration d’une stratégie nationale de prévention de l’extrémisme violent et de lutte contre le terrorisme.