Yaoundé, Cameroun | AFP | mercredi 05/08/2015 - 16:36 GMT
par Reinnier KAZE
Les islamistes nigérians de Boko Haram ont de nouveau attaqué l'Extrême-nord du Cameroun, tuant au moins huit villageois et en enlevant 135, dans cette région frontalière de plus en plus ciblée par le groupe qui y mène aussi des attentats-suicides.
"Les gens de Boko Haram ont attaqué nos voisins du village de Tchakamari dans la nuit de lundi à mardi. Ils ont tué 8 personnes, deux femmes et six hommes. Les hommes étaient des membres du comité de vigilance de Tchakamari", a affirmé à l'AFP un membre du comité de vigilance (milice d'autodéfense composée d'habitants) d'un village voisin, sous couvert d'anonymat.
"Ils ont pris 135 personnes et sont partis avec elles. Ce sont les habitants du village qui ont compté le nombre de personnes enlevées. Ils ont brûlé beaucoup de maisons", a-t-il ajouté.
Un bilan confirmé par une source policière qui fait état de "8 morts" et de "135 personnes enlevées". "Les populations ont donné l’alerte dès que Boko Haram est entré dans le village, mais ils (les soldats engagés dans la lutte contre Boko Haram) ont traîné", a accusé cette source.
Auparavant, un soldat dépêché sur place après l'attaque avait fait état d'au moins six tués. "Boko Haram a attaqué le village de Tchakamari vers 1 heure dans la nuit de lundi à mardi", a-t-il affirmé à l'AFP.
"Lorsque nous sommes arrivés vers 3 heures du matin, nous avons trouvé six corps des membres du comité de vigilance", a ajouté le soldat, précisant que Tchakamari se trouvait à environ 2 km de la frontière nigériane.
Le soldat a également constaté que "plusieurs maisons ont été brûlées". "Nous avons fait des recherches dans la zone jusqu’à 5 heures du matin, mais les assaillants avaient déjà traversé au Nigeria avec les otages", a-t-il rapporté.
Après une période d’accalmie, le groupe islamiste nigérian Boko Haram a repris ses attaques dans la région frontalière de l’Extrême-Nord camerounais, menant ces dernières semaines cinq attentats-suicides, dans les localités de Fotokol et Maroua.
Ces attentats-suicides, au Nigeria, comme au Cameroun et au Tchad, voisins du nord-est du Nigeria, relèvent d'une nouvelle stratégie des islamistes. Affaiblis par la mobilisation des armées régionales (surtout du Tchad) qui ont pénétré au Nigeria pour reprendre l'essentiel des localités dont ils s'étaient emparés, ils mènent ces attentats en se "noyant" au milieu des civils, notamment dans les grands marchés qui rassemblent traditionnellement beaucoup de monde.
Certains sont perpétrés par de jeunes femmes, vêtues de voiles islamiques intégraux se prêtant à la dissimulation d'objets, qui se font exploser ou dont les explosifs sont activés à distance.
Mercredi, le ministre camerounais de la Communication, Issa Tchiroma Bakary, porte-parole du gouvernement, a ainsi fait état sur la radio d'Etat de l'interpellation la semaine dernière de deux suspectes dans l'Extrême-Nord.
- Sacs à main contenant des explosifs -
"Deux jeunes filles âgées respectivement de 19 et 21 ans ont été interpellées en possession de deux sacs à main contenant des engins explosifs", a-t-il dit, sans précision de lieu ni de date.
"Les charges utilisées par les terroristes sont de nature militaire, vraisemblablement récupérées lors des attaques menées par Boko Haram sur des cibles militaires, ou alors acquises dans certains pays en proie à des conflits armés et à des situations d’instabilité", a-t-il poursuivi.
Selon le ministre, des "opérations de ratissage" menées dans plusieurs régions du pays ont permis "d'interpeller de nombreux suspects" actuellement interrogés.
Face à cette situation de plus en plus instable, Yaoundé a annoncé l'envoi dans le lointain Extrême-Nord de 2.000 soldats supplémentaires pour contrer Boko Haram. Sur place, la population craint de nouvelles attaques et les autorités, notamment par l'activation de comités de vigilance et les dénonciations, tentent de repérer et neutraliser les complices infiltrés des islamistes, n'hésitant pas à expulser les réfugiés nigérians ayant fui les violences de Boko Haram.
"Quelque 12.000 Nigérians, originaires de l'Etat de Borno pour la plupart, qui ont fui au Cameroun à cause des attaques contre leur communauté, ont commencé à rentrer chez eux", a déclaré mercredi Sani Datti, porte-parole de l'agence nigériane de secours (NEMA).
De son côté, le ministre de la Communication camerounais parle de "plus de 3.000 étrangers en situation irrégulière" expulsés.
Mercredi, sept islamistes ont par ailleurs été tués et deux soldats tchadiens blessés dans des affrontements entre l'armée de N'Djamena et Boko Haram sur une île du lac Tchad, a-t-on appris de source sécuritaire dans la capitale tchadienne.
L'armée de N'Djamena a lancé mi-juillet une vaste offensive sur les îles tchadiennes du lac, où les islamistes s'étaient repliés en attaquant une dizaine de villages.
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