Dakar, Sénégal, 12 août (HCR) – Des milliers de réfugiés maliens ont voté en exil pour le second tour des élections présidentielles qui ont eu lieu dans leur pays d'origine, dans l'espoir d'un retour imminent de la paix et de la stabilité.
Alors que le taux de participation globale au Mali a baissé par rapport au premier tour, le nombre des réfugiés venus pour voter a significativement augmenté grâce à la délivrance de cartes d'identité biométriques, appelée cartes NINA, aux réfugiés dans les pays voisins, et notamment en Mauritanie.
Pour le second tour, au total 2 084 cartes NINA ont été acheminées par avion pour la MINUSMA, les troupes des Nations Unies pour le maintien de la paix, depuis Tombouctou au nord du Mali vers la Mauritanie pour permettre aux réfugiés maliens de voter. Au total, 3 110 réfugiés dans le pays ont enregistré un vote, contre seulement 811 au premier tour des élections.
Au Burkina Faso, Ag Moussa, un réfugié malien âgé de 45 ans et déterminé à voter, a voyagé en autobus, un service assuré par l'ambassade du Mali, pour se rendre au bureau de vote où il est inscrit.
« C'est vraiment bien de pouvoir voter », explique Moussa. « D'une certaine façon, cela me fait espérer que le retour de la paix est proche. » Moussa était l'un des 133 réfugiés maliens qui ont voté au Burkina Faso, un chiffre qui a augmenté de 88 électeurs par rapport au premier tour.
Comme de nombreux réfugiés, Moussa était convaincu que les élections pourraient signifier le retour à la maison bientôt avec le retour de la paix. « Si tout va bien, je veux rentrer au Mali avant la fin de l'année », ajoute-t-il.
Au Niger voisin, 862 réfugiés vivant dans quatre camps différents ont voté, alors que seulement 323 électeurs avaient voté au premier tour.
Au total, quelque 4 000 réfugiés à travers la région ont participé à l'élection. En comparaison, 1 313 réfugiés avaient voté au premier tour. Les élections sont considérées comme essentielles par les réfugiés et les personnes déplacées à l'intérieur pour la stabilité du pays ainsi que pour le retour dans leurs régions d'origine.
« Les élections présidentielles permettront au Mali de sortir de la période de transition et de se concentrer sur son développement », indique Mohamed, âgé de 26 ans, qui a voté dimanche à Tombouctou après avoir passé des mois avec sa famille en tant que réfugiés en Mauritanie.
Mohamed a effectué le trajet à pied depuis son village de Teshek, à sept kilomètres de Tombouctou, pour aller voter. Il avait obtenu sa carte NINA à Tombouctou début juillet, après que les autorités l'aient personnellement appelé pour lui faire savoir que sa carte était arrivée. Mohamed est touareg. Il a quitté son village en avril 2012 suite à l'arrivée de groupes djihadistes dans la région de Tombouctou.
« Je suis parti avec 15 membres de ma famille, nous avons voyagé à dos de chameau vers la Mauritanie car nous ne nous sentions pas en sécurité au Mali. » Depuis le camp de Mbera en Mauritanie, ils sont rentrés dans leur village près de Tombouctou en février 2013, suite à l'intervention militaire par les troupes française et africaine au nord du pays. « Nous n'avons pas eu de problèmes depuis notre retour. Les gens se connaissent et savent qui a fait quoi ou pas. Nous voulons juste la paix. »
De nombreux réfugiés touaregs et arabes dans les pays voisins restent cependant prudents sur le retour au Mali par crainte de représailles de la part d'autres communautés ou de l'armée malienne. Bien que les retours de réfugiés depuis les camps au Burkina Faso, en Mauritanie et au Niger soient encore timides, les mouvements de retour vers le Mali pourraient se produire très rapidement.
« Tout dépend de la stabilité et de la sécurité générées par l'action du nouveau Président », explique Baya qui est retourné à Tombouctou depuis le camp de Mbera en Mauritanie il y a un mois. Baya a entendu aux nouvelles et de la part de ses amis qui étaient restés au Mali que le Nord-Mali était désormais sûr. Il a décidé de revenir dans sa ville natale pour s'occuper de son entreprise.
« Je vais attendre de voir comment les choses évoluent après les élections puis je déciderai si je ramène ou non ma femme et nos 11 enfants depuis la Mauritanie. » Baya appartient à la communauté arabe de Tombouctou. Il remercie ses voisins songhaï d'avoir pris en charge sa boutique depuis son départ de Tombouctou après l'intervention de l'armée française et africaine en janvier dernier. Il a indiqué qu'au moins de 100 Arabes étaient rentrés à Tombouctou.
Au total, environ sept millions de Maliens étaient éligibles pour le vote aux deux tours des élections. Ces élections sont les premières à avoir eu lieu depuis le conflit qui a éclaté au Mali en janvier 2012 entre les forces gouvernementales et les groupes rebelles. Ce conflit avait ensuite déclenché l'intervention militaire de la France.
Bien qu'aucun incident de sécurité n'ait été signalé dans les bureaux de vote, de fortes pluies ont dissuadé de nombreux Maliens d'aller voter. Par ailleurs, beaucoup de réfugiés dans les pays voisins ont été confrontés à des obstacles administratifs qui les ont empêchés de participer. Comme au premier tour des élections, les réfugiés devaient avoir la carte NINA et être inscrits sur les listes électorales.
« Aujourd'hui, j'allais presque exercer mon droit en tant que citoyen, mais j'ai découvert à la dernière minute que ce ne serait pas possible », explique Youssouf Ag Mohamed, un réfugié malien de Tombouctou actuellement au Burkina Faso.
Youssouf était inscrit sur la liste électorale, mais il n'avait pas pu obtenir sa carte NINA depuis Tombouctou avant le dimanche du vote. Il était déçu.
« Comme le jour des élections se rapprochait et quand j'ai vu que je ne serais pas en mesure d'obtenir ma carte, ma frustration a grandi. » Youssouf a dit qu'il avait voulu voter pour sentir qu'il a joué un rôle dans le processus de paix et la reconstruction de son pays.
Le rôle du HCR dans les élections était strictement humanitaire et apolitique. L'Agence a informé les réfugiés sur la procédure électorale, a facilité leur participation et leur a permis d'assurer le caractère volontaire des élections, dans un environnement de sécurité.
Par Hélène Caux à Tombouctou, au Mali et Kathryn Mahoney à Dakar, au Sénégal. Amaria Belaskri au Niger et Hugo Reichenberger au Burkina Faso ont contribué à cet article.