GAO/BAMAKO/DAKAR, 21 février 2013 (IRIN) - Coupée des principaux marchés depuis le début de l'intervention militaire dans le nord du Mali il y a un peu plus d'un mois, la ville de Gao connait une pénurie de produits de base et une envolée des prix alimentaires, et dépend de l'eau et de l'électricité fournies par le Comité international de la Croix-Rouge (CICR). L'ouverture de la route de Mopti - une ville située au centre du pays - il y a deux jours soulève l'espoir d'une amélioration de la situation.
« Le retour des habitants est presque aussi important que la reprise des échanges commerciaux entre le Nord et le Sud », a dit Abba Haidara, un habitant de Gao. « Nous avons besoin des produits qui viennent de Bamako, Sikasso et Ségou. La vie est hors de prix ici ».
Attahar Maïga*, un habitant de Gao, a dit à IRIN : « Nous commençons à étouffer. Il n'y a rien à manger . Il n'y a plus d'échanges commerciaux . Je me demande ce qu'il va se passer quand nos magasins seront vides ».
Le mois dernier, les prix des produits alimentaires - déjà élevés à Gao - se sont envolés : le kilogramme de riz coûtait 2 dollars - contre 60 cents auparavant - et le kilogramme de sucre - un produit de base - 1,50 dollar.
Malgré la réouverture de la route, une grande partie des magasins appartenant aux communautés arabes et touaregs restent fermés, car la plupart des Arabes et des Touaregs ont fui la ville de crainte d'être arrêtés ou passés à tabac par les forces maliennes.
Un climat de crainte et de suspicion s'est installé après les deux attentats-suicides survenus à un point de contrôle sur la route qui relie Gao à Bourem, située au nord du pays, et le raid surprise lancé par les insurgés sur Gao. Les habitants de Gao ont indiqué que des rebelles se sont mêlés à la population et occupent les maisons abandonnées.
« Après neuf mois sous le régime islamiste, Gao compte autant d'ennemis que d'habitants », a dit Boubacar Cissé, médecin à l'hôpital régional.
Les enfants avaient appris à coopérer avec les commandants du Mouvement pour l'unité et le jihad en Afrique de l'Ouest (MUJAO), qui ont contrôlé Gao pendant 10 mois, et certains jeunes de la ville ont été régulièrement aperçus parmi les combattants coiffés d'un turban.
Avant, le port fluvial de Gao et la route qui longe le fleuve étaient très animés, mais, aujourd'hui « le marché est quasiment fermé - il n'y a plus rien » a dit à IRIN Adiza Maïga, un habitant de la ville. Il possède quelques animaux qu'il tue les uns après les autres pour nourrir sa famille, car il n'a plus de céréales.
Les prix de la viande sont passés de 1,40 dollar pour les meilleurs morceaux à 2 dollars, selon Mohammed Maïga, un commerçant local, car les éleveurs des villages voisins n'ont pas réussi à transporter leurs animaux jusqu'au marché de Gao. Les commerçants espèrent que l'ouverture de la route va changer la donne.
Attahar Maïga, chef de la sous-délégation du CICR à Gao, a dit à IRIN : « L'économie était paralysée. Les gens paniquaient ».
La semaine dernière, le Programme alimentaire mondial (PAM) a acheminé de la nourriture à Gao par camion, mais un regain de violence l'a forcé à suspendre ses opérations.
Assistance du CICR
Le CICR essaye de relancer l'économie locale : il achète du bétail, des légumes, du riz et des haricots aux éleveurs et producteurs locaux, et distribue de la nourriture et des animaux aux plus pauvres. L'argent gagné permet d'acheter de la nourriture ou des semences. « Nous essayons de soulager la population, au moins pour le moment », a dit M. Maïga.
Les représentants de l'État - le gouverneur, le maire et quelques directeurs régionaux - reviennent progressivement à leur poste.
Les autorités comptent néanmoins toujours sur le CICR pour fournir de l'eau et de l'électricité aux habitants de Gao, comme c'est le cas depuis dix mois. Dès que les services publics fonctionneront, ils se retireront, a dit Amadou Fadiga, un délégué du CICR.
Abdraman Cissé, président de la commission de l'eau et de l'électricité de Gao, a demandé à chaque ménage de payer 1500 francs CFA (3 dollars) par mois pour l'eau et l'électricité, mais il a dit à IRIN : « Les gens refusent de payer, ils disent que c'était gratuit sous le règne du MUJAO ; le MUJAO avait l'argent sale des enlèvements et de la drogue ». « Je pense que nous devons contribuer aux efforts du CICR et fournir un service minimum ».
Depuis dix mois, l'hôpital de Gao fonctionne grâce aux efforts du CICR, qui indique que l'établissement fonctionne à 90 pour cent de ses capacités, même s'il manque de spécialistes.
MSF se prépare à soigner les rapatriés
L'organisation non gouvernementale (ONG) Médecins Sans Frontières (MSF) intervient dans les cliniques de soins de santé de Wabaria, de Sossokoira, de Gao et de ses environs, mais elle a été obligée de suspendre ses opérations temporairement dans le reste du pays en raison de problèmes de sécurité, notamment posés par la présence de mines.
Depuis la réouverture de la route, l'organisation se prépare à soigner les rapatriés. Elle dispose pour cela d'une liste de noms de patients déplacés à Sévaré, Mopti et Bamako.
Mariam Touré et ses collègues de la clinique de MSF de Sossokoira à Gao soignent plus de 100 patients par jour ; la majorité d'entre eux souffrent de diarrhée, de malnutrition et de paludisme, alors que les médicaments antipaludiques commencent à manquer. Les médecins ont également soigné des patients souffrant de maladies de la peau liées au manque d'eau, a dit Mme Touré.
Les bailleurs de fonds étrangers ont octroyé des fonds au Mali - l'Union européenne a débloqué 333 millions d'aide et 29 millions de fonds humanitaires ; la France a relancé son aide bilatérale au développement ; et le Fonds monétaire international prépare un plan économique de transition. L'appel des Nations Unies d'un montant de 373 millions de dollars a été financé à hauteur de 3 pour cent.
La priorité devrait être donnée à des programmes à impact rapide afin de rétablir l'eau, l'électricité et d'autres services de base dans le Nord, selon les analystes. Cela « permettrait à la population de voir le bénéfice pratique que représente l'expulsion des djihadistes », indique Africa Confidential.
(Les Maïga mentionnés dans l'article ne font pas partie de la même famille).
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