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Mali: Mali: La guerre par défaut

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Source: Institute for Security Studies
Country: France, Mali

Comme s’ils voulaient reproduire les exploits de l’an dernier au moment de la conquête des régions du Nord, les groupes islamistes ont lancé de nouvelles offensives sur les positions du gouvernement malien au début du mois de janvier. Ces attaques se sont soldées par une autre défaite de l’armée malienne et par la prise de la ville de Konna, située à 650km de Bamako. D’autres villes étaient visées alors que la chute de Bamako aurait eu des conséquences désastreuses pour le pays et pour la région. Tout comme les violentes attaques de Charles Taylor sur Monrovia aux débuts des années 1990, la dernière offensive des islamistes a secoué le pays tout en montrant l’ampleur de la menace djihadiste au Mali et probablement ailleurs. Ceci a déclenché l’intervention de la France visant à porter un coup d’arrêt à l’avancée des islamistes. Plusieurs questions se posent quant aux motivations des attaques des djihadistes. Et que dire de l’intervention militaire déclenchée par la France, l’Opération Serval? S’il n’est pas possible de répondre en ce moment à toutes ces questions, il existe néanmoins quelques pistes d’analyse qui jettent un éclairage sur la situation.

L’offensive des Islamistes est intervenue au moment ou le processus de négociation semble au point mort. Ansar Dine, l’un des groups Islamistes a soudainement renoncé à ses engagements précédents de mettre fin aux hostilités contre le gouvernement Malien et de prendre ses distances vis-à-vis des groupes terroristes. Le mouvement Islamiste a estimé que le gouvernement n’est pas sincère sur ses revendications – l’imposition de la charia dans les régions sous son contrôle et une plus grande autonomie. En plus de la persistante incohérence politique à Bamako, il convient de prendre en considération deux importants facteurs dans l’escalade de la violence au Mali.

D’abord, les rebelles voulaient certainement profiter des tergiversations de la communauté internationale quant au plan de déploiement militaire. S’il est vrai que les Nations Unies ont adopté la résolution 2085 autorisant la Mission internationale de soutien au Mali sous conduite africaine (MISMA), beaucoup de détails restent encore à régler. En effet, l’entrainement des troupes maliennes supposées être en première ligne du combat contre les Islamistes, les questions logistiques et la répartition des responsabilités financières de l’opération devraient être résolus. Même si la CEDEAO se disait disposée à déployer 3300 soldats, certains estimaient que ce déploiement n’aurait lieu qu’en septembre 2013. L’ONU et ses partenaires cherchaient-ils à gagner du temps avec le secret espoir que les négociations aboutissent, ce qui aurait rendu le plan d’intervention militaire obsolète? Tout porte à croire que c’est l’option privilégiée par la plupart des partenaires extérieurs qui redoutent les conséquences incertaines d’une nouvelle opération militaire.

Ensuite, les groupes islamistes chercheraient à accentuer la pression sur le gouvernement dans le but de l’obliger à négocier selon leurs termes, une perspective qui consolide leur influence et leur position de force. Dans cette optique, conquérir plus de territoires servirait à coup sûr cet objectif. En fait, depuis un certain temps, le processus de négociation n’évoluait plus comme souhaité malgré les déclarations publiques des parties concernées. Le désaccord persistait encore sur l’intégrité territoriale et la laïcité de l’état. Alors que les autorités de Bamako ont accepté le principe de négociation, l’impératif de se laver de l’humiliation infligée par les défaites subies en même temps que la nécessité de préserver l’intégrité territoriale du Mali n’ont jamais été perdus de vue. Sans le dire publiquement, Bamako a toujours considéré qu’il doit affronter quatre ennemis y compris le MUJAO, ANSAR DINE, AQMI et le MNLA, responsables de la partition du pays.

L’intervention militaire de la France pour arrêter la progression des Islamistes vers le Sud est sans doute venue à point nommé. Il est évident que, malgré les efforts déployés et le matériel acquis ces derniers temps, l’armée malienne est loin d’avoir retrouvé toute sa capacité opérationnelle. En lançant un appel à l’aide de la France, le Président par Intérim Dioncounda Traoré a pris la juste mesure de la menace qui planait sur son pays et sur la région. Il faut se rappeler aussi que son appel coïncide avec les déclarations du Président sortant de l’Union Africaine, le Président Béninois Boni Yayi qui réclamait quelques jours plus tôt le déploiement des troupes de l’OTAN. Il n’est pas certain qu’il soit conscient des implications de telles déclarations compte tenu des dernières opérations de l’OTAN en Libye. Les plaies ont du mal à se cicatriser tandis que plusieurs observateurs continuent d’indexer la responsabilité de l’OTAN dans la détérioration de la situation sécuritaire de la région. Aussi, les forces africaines en attentes n’existent que de nom même si l’UA a récemment pris des initiatives courageuses (AMISOM par exemple) pour répondre aux situations de crises.

Les implications de l’intervention militaire conduite par la France sont nombreuses. Le Mali est entrée dans la guerre que mène la France par défaut. Tout à coup, le Togo, le Benin, le Sénégal, le Niger, le Nigeria déploieront des troupes tandis que le Ghana mettra à la disposition du Mali 150 techniciens et conseillers militaires. Les États-Unis, la Grande Bretagne et d’autres pays de l’Union Européenne ont manifesté leur soutien à l’engagement militaire de la France. Le Mali peut également compter sur la solidarité régionale des pays du champ comme l’Algérie, la Libye, la Tunisie, la Mauritanie entre autres. Pourtant, il reste un certain nombre de détails à régler notamment la durée des opérations, la coordination entre les différentes unités, les questions logistiques, le financement de l’opération. A n’en point douter, l’opération militaire met en veilleuse le processus de négociation et va certainement accélérer le déploiement de la force régionale. C’est probablement ce qui a découlé des réunions qui ont eu lieu cette à New York, Bruxelles, Addis Ababa et à Abidjan. Déjà le Président Nigérian a ordonné le déploiement immédiat de 900 soldats tandis que le General Shehu Ousmane Abdelkader assure le commandement des forces africaines

L’aviation Française continue de bombarder les positions des groupes armés, mettant leurs bases arrière et camps d’entrainement hors d’état de nuire. Des combats au sol sont aussi engagés. Plusieurs mois sans l’autorité de l’état dans les régions du nord ont certainement facilité l’approvisionnement en armes par le canal des trafiquants. Ceci a renforcé l’arsenal militaire déjà sophistiqué des rebelles. Il se pourrait aussi que leur capacité réelle soit un peu exagérée. De toute façon, il ne faut pas s’attendre à une victoire rapide et sans écueils et le soutien inconditionnel au Mali peut s’effriter au fil du temps. La peur de subir des représailles peut également contraindre certains pays à faire profile bas. De sérieuses déconvenues humanitaires sont à craindre qui risquent de rendre encore plus précaire la situation des populations civiles, victimes des combats terrestres. Enfin, la plus grande difficulté se posera lorsqu’il sera question d’assurer le contrôle des régions éventuellement libérées du contrôle des djihadistes. Le Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA), défait et chassé des régions du nord mettait déjà en garde contre toute présence de l’armée nationale malienne sur son territoire.

A l’évidence, c’est certainement l’une des interventions militaires françaises les moins contestées surtout suite à la fin de non recevoir opposée à la demande du Président Centrafricain François Bozizé. Au Mali, la France semble avoir agi conformément aux plans de la communauté internationale et sur l’invitation explicite du président Malien. Nonobstant cela, une interrogation s’impose à moyen et à long-terme. Que faire des armées nationales africaines? Depuis la fin de la Guerre Froide, très peu d’entre elles disposent des capacités réelles face aux assauts des groupes armés non-étatiques. Des initiatives comme le programme américain de maintien de la paix en Afrique (ACRI) et ReCAMP (Renforcement des capacités africaines au maintien de la paix) n’ont pas produit des resultats convaincants. N’est-il pas temps de redéfinir des stratégies nationales et régionales de défense? Et pourquoi ne pas donner une plus grande attention à une reforme sincère et efficace du secteur de la défense et de la sécurité?

Une fois encore, la France aura été entrainée par les circonstances sur un terrain sensible, objet de débats passionnés dans ses relations avec l’Afrique. Avec les défis intérieurs auxquels il fait face, les risques pour le Président François Hollande sont aussi énormes que l’opportunité qui se présente d’empêcher les djihadistes d’ériger un sanctuaire au Mali qui pourrait devenir une constante menace pour le monde entier.


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