Comité des droits de l'enfant
21 janvier 2013
Un expert s'inquiète des conséquences du conflit au Mali, qui pourrait entraîner le recrutement d'enfants sur le territoire burkinabé
Le Comité des droits de l'enfant a examiné, aujourd'hui, le rapport du Burkina Faso sur la mise en œuvre des deux Protocoles facultatifs se rapportant à la Convention relative aux droits de l'enfant, qui portent respectivement sur l'implication d'enfants dans les conflits armés et sur la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants.
Présentant ces rapports, M. Dieudonné Marie Désiré Manly, Conseiller technique du Ministre de l'action sociale et de la solidarité nationale du Burkina Faso, a indiqué que la mise en œuvre du projet «Travail des enfants dans les mines et carrières artisanales», lancé en 2009, a permis le retrait de 11 123 enfants dans 23 mines et carrières artisanales. Il a également attiré l'attention sur le lancement récent d'un numéro vert à trois chiffres (le 116) pour dénoncer les violences faites aux enfants, ainsi que l'adoption d'un plan national d'action de lutte contre les pires formes de travail des enfants au Burkina Faso. En 2012, 1910 enfants ont été victimes de traite, dont 356 de traite transfrontalière. Le pays a élaboré un avant-projet de loi portant définition et répression de la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, a indiqué M. Manly. En outre, un code général de protection de l'enfant est en cours d'élaboration. S'agissant de l'implication d'enfants dans les conflits armés, M. Manly a fait valoir que le recrutement dans les forces armées vient d'être relevé à 20 ans. Il a d'autre part indiqué que le conflit dans le Nord du Mali a occasionné un départ massif de populations fuyant les combats en direction notamment du Burkina Faso, le pays accueillant, selon les chiffres d'octobre 2012, quelque 35 335 Maliens, dont une majorité d'enfants.
La délégation burkinabé était également composée, notamment, du Représentant permanent du Burkina Faso auprès des Nations Unies à Genève, M. Prosper Vokouma; du Secrétaire permanent du Conseil national pour la survie, la protection et le développement de l'enfant (CNSPDE), M. Jean-Baptiste Zoungrana; de la Directrice générale de l'encadrement et de la protection de l'enfant et de l'adolescent, Mme Hariguietta Congo Zongo; ainsi que de représentants du Ministère des droits humains et de la promotion civique. Elle a répondu aux questions qui lui étaient adressées par les experts du Comité s'agissant, notamment, des questions d'adoption; du travail des enfants; de la prise en charge des enfants victimes de la traite; des questions relatives au mariage et à la polygamie; de l'enregistrement des naissances; des enfants talibé et garibous; du principe d'extraterritorialité; de la responsabilité des entreprises en matière d'embauche d'enfants; des liens du lycée militaire avec l'armée; du Statut de Rome de la Cour pénale internationale; de l'accueil et de la prise en charge des réfugiés; ou encore du risque d'enrôlement d'enfants burkinabé dans le cadre du conflit au Mali voisin.
S'agissant de cette dernière question, le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport présenté au titre du Protocole sur l'implication d'enfants dans les conflits armés, M. Bernard Gastaud, a déclaré que «le conflit qui se déroule au Mali entre des groupes armés et l'armée nationale rend probable le recrutement d'enfants sur le territoire burkinabé au sein de ces unités combattantes». La délégation a toutefois indiqué que le pays n'a pas enregistré d'enrôlement d'enfants burkinabé dans le cadre de ces conflits dans les États voisins, reconnaissant toutefois que toute certitude est difficile alors que ce pays partage 1200 kilomètres de frontières avec le Mali. Néanmoins, dès le début de cette crise, le Burkina Faso a déployé un important contingent de forces de l'ordre pour assurer l'imperméabilité de la frontière.
Dans ses observations préliminaires, M. Gastaud, a salué les efforts déployés par le Burkina Faso eu égard aux circonstances exceptionnelles qu'il connaît en termes d'afflux de réfugiés. S'agissant de l'incrimination du recrutement d'enfants, de l'enrôlement d'enfants et de la participation d'enfants à des hostilités, des préoccupations subsistent et subsisteront jusqu'à l'adoption de nouveaux textes de droit pénal conformes aux dispositions du Protocole, a-t-il souligné.
Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport burkinabé relatif à la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, M. Hatem Kotrane, a pour sa part estimé que s'il est évident que le pays déploie nombre d'efforts en faveur des enfants, peu de réformes juridiques ont été introduites, alors que le Protocole sur la vente d'enfants exige avant tout des États qu'ils adaptent leurs législations civiles et pénales à ses dispositions.
Le Comité rendra publiques en fin de session des observations finales sur l'examen du rapport du Burkina Faso.
Demain matin, à 9 heures, à l'occasion d'une réunion qui se tiendra en salle XXV du Palais des Nations, le Comité examinera, par vidéoconférence, le rapport initial présenté par Nioué au titre de la Convention (CRC/C/NIU/1). L'après-midi sera consacré à l'examen du rapport des Philippines au titre du Protocole facultatif concernant la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (CRC/C/OPSC/PHL/1).
Présentation des rapports
Présentant les rapports du Burkina Faso au titre des deux Protocoles facultatifs se rapportant à la Convention (CRC/C/OPSC/BFA/ 1 et CRC/C/OPAC/BFA/1), M. DIEUDONNÉ DÉSIRÉ MARIE MANLY, Conseiller technique au Ministère de l'action sociale et de la solidarité nationale du Burkina Faso, a déclaré que les deux rapports présentés par le Burkina Faso a été préparé conformément aux directives techniques du Comité et de manière participative.
M. Manly a d'abord fait part des importantes mesures récemment prises par le Burkina Faso aux fins de l'application du Protocole facultatif sur la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, citant notamment la mise en œuvre du projet «Travail des enfants dans les mines et carrières artisanales» lancé en 2009, qui a permis le retrait de 11 123 enfants dont 6 021 garçons et 5 012 filles dans 23 mines et carrières artisanales. Il a également cité le lancement officiel, le 13 septembre 2011, d'un numéro vert à trois chiffres (le 116) pour dénoncer les violences faites aux enfants; l'adoption en juin 2012 d'un plan national d'action de lutte contre les pires formes de travail des enfants au Burkina Faso; ainsi que la réalisation en 2012 de plusieurs campagnes de sensibilisation sur la traite et les pires formes de travail des enfants, «dont 308 causeries éducatives, 309 ciné-débats, 21 émissions radiophoniques, 1065 counselings, 61 théâtres-fora et 101 patrouilles».
En ce qui concerne les données sur la vente, la prostitution et la pornographie mettant en scène des enfants dans le pays, M. Manly a déclaré que le système de collecte des données mis en place en ce moment ne permet pas de mieux renseigner ces questions spécifiques. Toutefois, ces pratiques peuvent être assimilées à la traite, les données à cet égard indiquant que pou 2012, 1910 enfants ont été victimes de traite, dont 1554 de traite interne (parmi lesquels 1115 garçons et 433 filles) et 356 de traite transfrontalière (parmi lesquels 306 garçons et 50 filles).
Sur le plan normatif, a indiqué M. Manly, le Burkina Faso a récemment adopté un certain nombre de textes pour mettre en application le Protocole. Il s'agit, entre autres, des décrets du 12 octobre 2010 portant création et conditions d'ouverture des centres d'accueil pour enfants en détresse; portant conditions de placement et de suivi d'enfants dans les structures et les familles d'accueil; et portant création, attributions, composition et fonctionnement d'une autorité centrale chargée des questions d'adoption et des aspects civils de l'enlèvement international d'enfants. M. Manly a également présenté les mesures prises en matière de formation et de diffusion d'information sur les dispositions du Protocole.
En dehors de la loi du 15 mai 2008 portant lutte contre la traite des personnes et les pratiques assimilées, qui prend en compte certains faits visés par le Protocole, le Burkina Faso a élaboré un avant-projet de loi portant définition et répression de la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, a indiqué M. Manly. En outre, un code général de protection de l'enfant est en cours d'élaboration, a-t-il ajouté. Par ailleurs, a poursuivi le Conseiller technique, les actes énumérés dans l'article premier du Protocole sont pris en compte dans le droit pénal burkinabé. D'autre part, dans le cadre de la protection des droits des victimes, la loi du 15 mai 2008 prévoit des mesures pour protéger l'identité et la vie privée des victimes et des témoins. En matière d'assistance et de coopération internationale, a enfin souligné M. Manly, le Burkina Faso, dans le cadre de la lutte contre la traite des enfants, a signé plusieurs accords, le dernier étant un accord de coopération entre le Burkina Faso et la Côte d'Ivoire en matière de lutte contre la traite transfrontalière d'enfants, dont la signature est prévue pour ce mois de janvier à Abidjan.
S'agissant du Protocole facultatif sur l'implication d'enfants dans les conflits armés, M. Manly a souligné que le Burkina Faso n'a pas eu besoin de modifier sa législation en matière de recrutement car selon la loi n°037-2008 du 29 mai 2008, le recrutement dans l'armée nationale concerne les jeunes gens sans distinction de sexe et âgés d'au moins 18 ans. Pour renforcer la protection des enfants, le Burkina Faso vient de relever l'âge du recrutement dans les forces armées à 20 ans, conformément au décret 560 du 5 juillet 2012 portant organisation des opérations relatives à l'appel du contingent.
Pour ce qui est de la protection et de la réinsertion des enfants victimes, le Burkina Faso n'étant pas un pays de conflit ou de post-conflit, aucun enfant victime des pratiques interdites par le Protocole n'est présent sur le territoire national, a poursuivi M. Manly. Depuis 2012, a-t-il ajouté, le conflit au nord de la République du Mali a occasionné un départ massif de populations fuyant les combats en direction de pays d'accueil, dont le Burkina Faso. Selon les résultats du dernier recensement conjoint mené par le Burkina Faso et le Haut Commissariat pour les réfugiés, à la date du 15 octobre 2012, quelque 35 335 Maliens ont été accueillis dans six provinces du Burkina Faso, dont la majorité est constituée d'enfants de 0 à 17 ans.
Pour ce qui est de la coordination des actions de mise en œuvre des deux Protocoles, elle est assurée par le Conseil national pour la survie, la protection et le développement de l'enfant (CNSPDE), qui est composé de représentants des départements ministériels, des organisations non gouvernementales et associations, des autorités coutumières et religieuses, des structures privées, du parlement des enfants et des institutions de la coopération bilatérale et multilatérale. Le CNSPDE est doté d'un Secrétariat permanent qui joue un rôle important dans la diffusion du Protocole.
Le Burkina Faso rencontre d'énormes difficultés qui entravent l'atteinte de certains objectifs que l'État s'est fixé en matière de promotion et de protection des droits de l'enfant, a reconnu M. Manly, citant notamment l'insuffisance des ressources financières; l'ineffectivité dans l'application de certains textes protégeant l'enfant; l'absence de dispositions normatives internes de mise en œuvre de certaines dispositions des Protocoles; ou encore l'insuffisance de structures de prise en charge des enfants en difficulté. Malgré cela, a assuré le Conseiller technique, le Burkina Faso s'engage à persévérer dans les actions de protection des enfants afin de permettre à ceux-ci de grandir et de s'épanouir dans un environnement plus favorable et paisible. Pour ce faire, a souligné M. Manly, il est nécessaire que le Burkina Faso puisse continuer de bénéficier de l'appui technique et financier de la communauté internationale.
Examen du rapport sur la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants
Questions et observations des membres du Comité
M. HATEM KOTRANE, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Burkina Faso sur la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, a fait part de la satisfaction du Comité quant aux relations qu'il entretient avec le Burkina Faso, pays qui soumet de manière régulière ses rapports périodiques. Il s'est néanmoins enquis de la participation de la société civile au processus d'élaboration des rapports soumis aujourd'hui au titre des deux Protocoles ainsi que des activités menées dans le pays afin de faire connaître ces deux instruments. Depuis l'examen du dernier rapport périodique présenté par le pays au titre de la Convention, le Burkina Faso a certes entrepris quelques réformes, mais elles sont somme toute limitées, a poursuivi M. Kotrane, prenant note, par exemple, de la loi de mai 2009 portant répression du grand banditisme. Aussi, le rapporteur a-t-il souhaité savoir si le Code général de protection de l'enfant qui est en cours d'élaboration va également porter sur les questions intéressant le Protocole?
Cependant, a poursuivi le rapporteur, aucune réelle réforme de la législation pénale n'a été menée, même si on apprend aujourd'hui qu'un projet de loi visant la répression de la vente d'enfants, de la prostitution des enfants et de la pornographie mettant en scène des enfants existe désormais. M. Kotrane a notamment fait observer qu'au Burkina Faso, le fait de soumettre un enfant au travail n'est pas qualifié par la loi comme un délit de vente d'enfants et n'est pas puni en tant que tel. Il s'est inquiété que le Code pénal réprime la présomption de racolage et que les enfants victimes de prostitution soient ainsi poursuivis pour prostitution. Il semble que le Burkina Faso exige la double incrimination, c'est-à-dire que les tribunaux burkinabé n'aient à connaître des actes commis à l'étranger que s'ils sont également répréhensibles dans le pays étranger considéré, a par ailleurs fait observer le rapporteur. Il semble en outre que le Protocole ne constitue pas une base légale pour décider de l'extradition d'un individu, a-t-il relevé.
Un autre membre du Comité a demandé quelles mesures ont été prises pour lutter contre les mariages forcés et précoces et si des mesures sont envisagées pour relever à 18 ans l'âge minimum du mariage pour les garçons et les filles.
Un expert s'est pour sa part inquiété des pratiques – profondément ancrées dans la société – des enfants talibé, du confiage d'enfants, des enfants travaillant comme domestiques ou encore du mariage précoce, insistant sur les mesures de prévention qui doivent être prises pour lutter contre de telles pratiques. Quelles sont les mesures prises pour réprimer ce type de pratiques, a-t-il en outre demandé?
Une experte s'est inquiétée des pratiques discriminatoires à l'égard des femmes et des jeunes filles au Burkina Faso, citant la polygamie, les pratiques relatives à la dot et autres pratiques empêchant les femmes d'avoir accès à la terre ou d'hériter de leur mari. Elle a souhaité savoir si le Burkina Faso envisage de réglementer les activités des sociétés privées, nationales ou étrangères, pour éviter qu'elles n'aient d'impact négatif du point de vue du travail des enfants et faire en sorte qu'elles respectent les droits de l'enfant.
Une autre experte a souhaité en savoir davantage sur les mesures prises par le Burkina Faso pour lutter contre le travail des enfants dans les exploitations minières de petite taille, qui concernerait environ 20 000 enfants.
Une experte s'est enquise des causes, de la nature et de l'ampleur de l'exploitation des enfants dans le cadre de la pornographie.
Plusieurs expertes se sont enquises des mesures prises aux fins de la diffusion du Protocole, l'une d'elles s'enquérant en outre, eu égard au fort taux d'analphabétisme qui sévit dans le pays, des mesures prises en faveur de l'alphabétisation de la population.
Un membre du Comité a jugé «extrêmement choquant» que des enfants de moins de 18 ans victimes de prostitution soient traités comme des auteurs d'infraction et poursuivis pour racolage.
Réponses de la délégation
La Commission nationale des droits de l'homme du Burkina Faso peut recevoir des plaintes concernant les droits de l'enfant, a indiqué la délégation.
La délégation a souligné que les différentes dispositions du Protocole se retrouvent éparpillées dans différents textes de la législation burkinabé qui condamnent la vente, la pornographie et la traite d'enfants.
Rappelant que dans ses précédentes observations finales, le Comité s'était inquiété que le Code de protection des enfants ne traite pas de l'ensemble des aspects évoqués dans la Convention, la délégation a indiqué que le nouveau Code général de protection de l'enfant, en cours d'élaboration, prendra en compte tous les aspects de la Convention et non pas seulement les aspects relatifs aux mineurs en conflit avec la loi, comme cela était le cas dans le précédent Code.
Contrairement à ce qu'a cru savoir un membre du Comité, le Burkina Faso n'a jamais interrompu l'adoption internationale et a au contraire adopté divers textes pour renforcer la prévention du détournement ou de la vente d'enfants dans ce contexte, a en outre déclaré la délégation. Une autorité a été mise sur pied qui est responsable des adoptions internationales, a-t-elle souligné. Toute la procédure d'adoption internationale se fait conformément à la Convention de La Haye, à laquelle est partie le Burkina Faso et que le pays n'a jamais dénoncée, a insisté la délégation. L'adoption se fait obligatoirement par le truchement des procédures légales, «l'adoption individuelle» (en dehors desdites procédures) n'existant pas au Burkina Faso, a-t-elle ajouté. Le Code pénal réprime, par le biais du délit de détournement de mineurs et des normes pénales relatives à la complicité, toute infraction à cette règle.
Du point de vue de la prise en charge des victimes, tout enfant victime de la traite est conduit dans un centre de transit en attendant que ses parents soient retrouvés; il bénéficie alors d'une prise en charge à la fois psychologique et sanitaire, a indiqué la délégation. Afin d'éviter tout traumatisme supplémentaire à l'enfant victime, des mesures sont prévues qui permettent le huis clos dans le cadre des procédures judiciaires associées à la poursuite des infractions liées au Protocole, a-t-elle fait valoir.
Pour ce qui est du travail des enfants, surtout dans les sites miniers, la délégation a souligné que la législation du Burkina Faso interdit le travail des enfants en dessous de 16 ans, ce qui coïncide avec l'âge de fin de scolarité obligatoire. Pour ce qui est des sociétés minières, la délégation a assuré qu'aucun enfant de moins de 18 ans ne travaille dans les mines, conformément à la législation. Elle a toutefois reconnu que des enfants travaillent dans l'orpaillage, sur des sites artisanaux éparpillés à travers le pays, a expliqué la délégation. Aussi, des mesures vont-elles continuer d'être développées pour assurer l'effectivité des textes qui ont été adoptés aux fins de l'interdiction de ce type de travail.
En général, ce ne sont pas directement les parents des enfants concernés qui décident d'envoyer leurs enfants travailler dans les champs en Côte d'Ivoire, mais des intermédiaires, a poursuivi la délégation. Or, personne n'a le droit d'envoyer un enfant travailler hors du territoire national et aucun enfant ne peut quitter le territoire national sans être accompagné d'un parent ou tuteur. Aussi, les autorités du Burkina Faso n'hésiteront-elles pas à interpeller tout trafiquant d'enfants, puisque c'est de cela dont il s'agit, a dit la délégation.
Eu égard à la situation en matière d'enregistrement des naissances, il est parfois difficile de déterminer l'âge des enfants et donc de déterminer l'âge des enfants qui travaillent, par exemple, dans les champs, a en outre fait observer la délégation. Les lacunes en matière d'enregistrement des naissances sont dues à l'ignorance des populations quant à la nécessité de procéder à un tel enregistrement et quant aux répercussions d'un non-enregistrement du point de vue de la jouissance effective des droits de l'enfant, a ensuite expliqué la délégation, avant de faire valoir qu'une procédure de jugement supplétif d'enregistrement de la naissance de l'enfant est prévue par la loi pour pallier au défaut d'enregistrement. Un millier de jugements supplétifs de ce type a été prononcé, a-t-elle indiqué.
La délégation a par ailleurs fait état d'un projet de loi visant à élever à 18 ans l'âge du mariage des filles comme des garçons. Elle a en outre admis qu'il ne faudrait plus permettre la polygamie dans le cadre du Code de la famille et a indiqué que des discussions se poursuivent à cette fin.
Il n'y a pas de mariage forcé au Burkina Faso, a assuré la délégation, soulignant qu'un mariage ne peut être célébré que devant un officier d'état civil. Il y a en revanche des «unions libres» qui se font «de manière forcée, sans consentement des acteurs», a-t-elle ajouté.
Un membre du Comité ayant attiré l'attention sur l'ironie de voir qualifier d'«unions libres» des mariages forcés, la délégation a déclaré qu'il est évident qu'aucun enfant ne consent à être marié à 14 ou 15 ans. Lorsqu'une telle union est réalisée, ce sont en fait les parents qui offrent leur enfant en mariage et il est évident que c'est une problématique pour le Burkina Faso, comme pour d'autres pays, a poursuivi la délégation. C'est pourquoi le Code de la famille veillera à ce que l'âge minimum du mariage soit porté à 18 ans pour les personnes des deux sexes, a-t-elle expliqué. Comme pour toute pratique séculaire, il faut du temps pour que les choses changent, a insisté la délégation.
En ce qui concerne les questions d'éducation, la délégation a fait valoir que les taux de scolarisation sont en hausse au Burkina Faso. Un nouveau plan de l'éducation a été adopté à l'horizon 2020 qui vise à atteindre l'universalité de l'éducation dans le pays, a-t-elle ajouté.
La délégation a souligné que les enfants de moins de 13 ans ne peuvent pas être poursuivis en justice.
S'agissant du phénomène des talibé et garibous, la délégation a rappelé que les premiers sont des enfants envoyés dans des écoles coraniques pour y suivre un enseignement religieux, alors que les seconds sont en fait des enfants mendiants qui ne fréquentent pas des écoles coraniques mais se retrouvent dans la rue pour mendier, parfois envoyés par leurs parents. La loi en vigueur permet de sanctionner tant les chefs coraniques qui exploitent les enfants talibé que les parents qui envoient leurs enfants dans la rue pour mendier.
La délégation a assuré que la législation relative aux médias au Burkina Faso protège les droits de l'enfant; en témoigne le cas d'un quotidien qui a récemment fait l'objet d'une suspension pendant deux semaines pour avoir publié des images d'enfants dans la rue.
En ce qui concerne le principe d'extraterritorialité, la délégation a reconnu que si le pays où a été commis un acte considéré comme délictueux au regard de la législation burkinabé n'incrimine pas lui-même l'infraction visée, il sera difficile pour le Burkina Faso d'appréhender l'auteur de cette infraction. Un Burkinabé ayant commis à l'étranger un acte délictueux au regard de la législation du Burkina Faso pourra néanmoins être appréhendé à son retour au Burkina Faso, pour autant qu'ait été dénoncée la commission de cet acte; or, tout le problème vient précisément de cette nécessité que l'acte visé soit dénoncé, a fortiori s'il n'existe aucun accord de coopération judiciaire entre le Burkina Faso et le pays dans lequel l'acte a été commis.
Interrogée sur la responsabilité pénale des entreprises, notamment dans le secteur du tourisme, la délégation a assuré que la législation s'applique tant aux personnes morales qu'aux personnes physiques. La responsabilité pénale engagera la personne physique qui travaille pour l'entreprise visée, c'est-à-dire son dirigeant; l'entreprise, elle, sera fermée ou soumise à une amende, en fonction de la gravité de l'infraction, a précisé la délégation.
Examen du rapport sur l'implication d'enfants dans les conflits armés
Questions et commentaires des membres du Comité
M. BERNARD GASTAUD, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Burkina Faso sur l'implication d'enfants dans les conflits armés, a déclaré qu'au regard de ses engagements, le Burkina Faso a engagé des efforts qui ont entraîné de réelles avancées qu'il faut saluer. Le Burkina Faso est un État en paix; en revanche, des situations de guerre existent dans certains pays voisins: au Mali actuellement et en Côte d'Ivoire antérieurement. En vertu de la loi burkinabé, a par ailleurs relevé l'expert, l'âge pour l'engagement volontaire dans les forces armées est fixé à 18 ans; toutefois, des cas de falsification de documents sont-ils, matériellement, totalement exclus, d'autant plus que des lacunes existent en ce qui concerne l'enregistrement des naissances, s'est interrogé le rapporteur?
Aux termes de la loi portant détermination des compétences et de la procédure de mise en œuvre du Statut de Rome relatif à la Cour pénale internationale par les juridictions burkinabé, «le fait de procéder à la conscription ou à l'enrôlement d'enfants de moins de 18 ans dans les forces armées nationales, étrangères ou dans des groupes armés ou de les faire participer activement à des hostilités» constitue un crime de guerre, a poursuivi M. Gastaud. Or, les éléments constitutifs de ces actes criminels ne sont pas précisément définis contrairement au principe de légalité; de même, les tentatives d'enrôlement de mineurs ne sont pas punies, a regretté M. Gastaud.
Le Burkina Faso affirme qu'il n'y a pas de groupes armés sur le territoire national, ce qui n'est pas totalement en concordance avec les constatations faites l'an dernier par le Représentant spécial des Nations Unies pour les enfants et les conflits armés, a d'autre part fait observer le rapporteur. De plus, «le conflit qui se déroule au Mali entre des groupes armés et l'armée nationale rend probable le recrutement d'enfants sur le territoire burkinabé au sein de ces unités combattantes», a ajouté M. Gastaud. Aussi, des moyens ont-ils été déployés pour faire échec à tout recrutement d'enfants sur le territoire du Burkina Faso, a-t-il demandé?
La sensibilisation aux dispositions du Protocole a principalement été orientée vers le personnel des armées et guère ou insuffisamment vers les enfants, dans les écoles ou d'autres structures, a poursuivi M. Gastaud.
En outre, la question de l'accueil et de la réhabilitation d'enfants réfugiés revêt une acuité particulière dans le contexte du conflit actuel au Mali voisin, a souligné le rapporteur, avant de s'enquérir des mesures prises pour permettre l'accueil des réfugiés et vérifier que les enfants réfugiés n'ont pas participé à un conflit armé. Un autre membre du Comité a lui aussi souhaité savoir si un mécanisme existe au Burkina Faso qui permette d'identifier les enfants ayant pu participer au conflit au Mali.
Le rapporteur a par ailleurs relevé que le Burkina Faso conditionne l'extradition à la règle de la double incrimination et a donc souhaité savoir si une modification de la loi est envisagée à cet égard.
Réponses de la délégation
La délégation a indiqué qu'un comité interministériel est en train de passer en revue la législation pénale du pays afin d'examiner sa compatibilité avec les normes des instruments internationaux ratifiés par le Burkina Faso, étant entendu que ces dernières ont la primauté sur le droit interne, de sorte que la législation pénale devra, le cas échéant, être revue afin d'assurer une telle compatibilité.
En ce qui concerne le Prytanée militaire de Kadiogo (PMK – aujourd'hui situé dans une autre localité), la délégation a indiqué que ce lycée militaire relève certes du Ministère de la défense, mais ce sont des enseignants du secondaire qui donnent les cours et les élèves ne sont plus soumis à une formation militaire autre que le respect d'une forme de discipline militaire, a fait valoir la délégation. Le cycle d'enseignement dans ce lycée dure sept ans, de la sixième à la terminale, a-t-elle précisé. Il n'y a pas de manipulation d'armes dans cette école, a-t-elle insisté. Les forces militaires du Burkina Faso ne proviennent pas du PMK, a tenu à préciser la délégation. Quiconque souhaite être officier militaire doit obtenir une licence de niveau BAC+3, a-t-elle précisé. En fait, le personnel militaire au Burkina Faso est fourni par l'Académie militaire, qui forme en deux ans des officiers, par l'École nationale des sous-officiers, ainsi que par l'École nationale de gendarmerie et par celle des sapeurs-pompiers.
Pour ce qui est de l'enrôlement de mineurs dans les forces armées et des risques que pourrait représenter la falsification de documents dans ce contexte, la délégation a notamment souligné que des pièces d'état civil sont demandées lors de tout recrutement dans l'armée.
S'agissant des moyens déployés pour empêcher le recrutement d'enfants au niveau des frontières du Burkina Faso, la délégation a indiqué que «dès lors que le problème s'est posé, le pays dispose d'un Conseil national de secours d'urgence et de réhabilitation». Elle a ajouté que dès que le problème s'est posé, «le Burkina Faso a pris le problème à bras le corps et la frontière a été protégée par l'armée pour éviter les allers et venues de réfugiés».
Les réfugiés qui arrivent au Burkina Faso sont accueillis par le Commission nationale pour les réfugiés qui les identifie et les prend en charge sur les plans alimentaire, sanitaire, psychologique et sur le plan du logement. Des écoles ont en outre été ouvertes pour que tous les enfants en âge d'être scolarisés puissent poursuivre une éducation et les réfugiés qui étaient étudiants de l'enseignement supérieur ont été transférés vers Ouagadougou pour pouvoir poursuivre leurs études, a fait valoir la délégation. Ainsi, les enfants ayant fui les conflits aux frontières du Burkina Faso se voient-ils offrir la chance de repartir à l'école, «faute de quoi tout pourrait leur arriver». En fin de compte, a assuré la délégation, les réfugiés au Burkina Faso sont mieux traités que les Burkinabé eux-mêmes et ce, alors même que le Burkina Faso traversait une crise alimentaire. Au début de la crise malienne, a expliqué la délégation, les réfugiés étaient aussi des réfugiés alimentaires; ensuite, est arrivée cette étape du conflit qui occasionne un nouvel afflux de réfugiés. Le Burkina Faso a malheureusement, à ses frontières, des pays en conflit; mais «jusqu'à preuve du contraire, il nous n'avons pas enregistré d'enrôlement d'enfants burkinabé» dans le cadre de ces conflits dans les États voisins, a déclaré la délégation.
Le rapporteur ayant souhaité savoir si le Burkina Faso était sûr de contrôler la totalité de sa longue frontière avec le Mali, au point de pouvoir dire qu'aucun enfant du Burkina Faso n'a été recruté ni enrôlé, la délégation a reconnu qu'il est très difficile pour le pays «d'être sûr à 100%», alors qu'il partage 1200 kilomètres de frontières avec le Mali. De plus, la crise malienne n'est pas terminée; elle est en cours, a rappelé la délégation. Néanmoins, dès le départ de cette crise, le Burkina Faso a déployé un important contingent de forces de l'ordre pour assurer l'imperméabilité de la frontière, a-t-elle réitéré.
«Il ne faut pas entrer dans des suppositions», a par la suite insisté la délégation. À cette heure, il n'y a eu ni plainte, ni dénonciation indiquant la présence d'enfants burkinabé recrutés dans des forces armées, a-t-elle souligné; aucune plainte ni information de ce type n'a été transmise par aucun parent, ni par aucun organe de presse ou organisation nationale ou internationale. «Si vous avez des informations, c'est le moment de les partager avec nous», a lancé la délégation à l'adresse des membres du Comité.
La délégation a admis la nécessité d'une loi spécifique de mise en œuvre du Statut de Rome de la Cour pénale internationale, assurant qu'elle était actuellement en cours de rédaction. Dans ce sens, des réflexions sont menées sur des questions telles que la compétence universelle, qui se trouve au cœur dudit Statut. Le Burkina Faso a fait partie des premiers États africains à ratifier le Statut de Rome, a fait valoir la délégation. La question qui reste posée est celle de la part de coopération des États qui ne sont pas partie au Statut de Rome, a-t-elle souligné, faisant observer que si le besoin s'en faisait sentir, un certain nombre de pays ne seraient pas disposés à collaborer avec le Burkina Faso.
Observations préliminaires
M. KOTRANE, rapporteur pour l'examen du rapport concernant la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, a fait part de sa satisfaction quant au climat général dans lequel cette discussion a eu lieu et a salué la volonté du Burkina Faso d'entretenir des relations de travail franches et ouvertes avec le Comité. Néanmoins, s'il est évident que l'État burkinabé déploie nombre d'efforts pour s'inscrire dans la logique des deux Protocoles à la Convention, peu de réformes juridiques ont été introduites. Or, le Protocole sur la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants exige avant tout des États qu'ils adaptent leurs législations civiles et pénales à ses dispositions. Le rapporteur a en outre relevé la persistance de problèmes s'agissant du tourisme sexuel, interdit mais pratiqué dans certaines régions du pays, du mariage forcé, de la pratique du confiage ou encore de la mendicité des enfants. Il faut veiller à ne pas confondre victime et auteur d'infraction et peut-être le Burkina Faso pourrait-il lever cette présomption de racolage à l'égard des enfants victimes de prostitution, a ajouté M. Kotrane.
M. GASTAUD, rapporteur pour l'examen du rapport sur l'implication d'enfants dans les conflits armés, a salué les efforts déployés par le Burkina Faso eu égard aux circonstances exceptionnelles qu'il connaît en termes d'afflux de réfugiés. S'agissant de l'incrimination du recrutement d'enfants, de l'enrôlement d'enfants et de la participation d'enfants à des hostilités, des préoccupations subsistent, et elles subsisteront jusqu'à l'adoption de nouveaux textes de droit pénal conformes aux dispositions du Protocole, a-t-il souligné.
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