Exécutions sommaires, viols, actes de torture, recrutements d'enfants soldats, violations de la liberté d'expression et du droit à l'information, ainsi que des atteintes aux droits à l'éducation et à la santé. La liste des abus commis dans le Nord Mali est loin d'être exhaustive. Dans un rapport rendu public ce vendredi à Genève, le Haut Commissariat est revenu sur les conclusions d'une mission conduite du 11 au 20 novembre 2012 au Mali, au Burkina Faso, en Mauritanie et au Niger. Mais le rapport fait également des exactions commises par les forces gouvernementales. Et au vu des témoignages reçus, la Haut-Commissaire souligne le « risque de représailles et de conflits interethniques en cas d'une intervention militaire au nord du Mali ».
Le rapport met en exergue les violations des droits de l'homme qui ont été commises depuis les attaques de l'armée malienne par le Mouvement National de Libération de l’Azawad (MNLA) dans un premier temps et par Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), Ansar Dine et le Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest (MUJAO) en janvier 2012. La Mission a été informée par diverses sources concordantes que la population du nord continuait à être exposée à des traitements dégradants par les groupes armés, qui, au nom d'une interprétation extrême de la charia, harcèlent, flagellent et matraquent les femmes non ou insuffisamment voilées, ainsi que les hommes impliqués dans la vente ou la consommation de cigarettes et d'alcool, et toutes autres pratiques et comportements qu'ils jugent non conformes à la charia.
Dix cas d'amputations, au nom d'une certaine interprétation de la charia, ont été recensés depuis la prise du nord par les groupes armés extrémistes.
En outre, la Mission a collecté « des informations crédibles indiquant que le MNLA, AQMI, Ansar Dine et le MUJAO recruteraient et entraineraient des enfants dans des camps ». Suite aux défaites du MNLA, la majorité de ses éléments mineurs aurait rejoint les autres groupes armés. Des enfants parfois âgés entre 10 et 12 ans, recrutés par le MUJAO à Gao et par Ansar Dine à Niafounké, auraient été vus aux postes de contrôle dans la périphérie des villes contrôlées par ces groupes et effectueraient des patrouilles au nom de la «police islamique ».
La Mission a récolté un nombre significatif d'informations d'allégations de violences sexuelles exercées par tous les groupes armés contrôlant le nord. Certains témoignages indiquent que des viols seraient motivés par des considérations ethniques, notamment durant les offensives des groupes armés. Les victimes sont généralement issues des populations à la « peau foncée », qui sont considérées comme inférieures par leurs agresseurs à la « peau claire ».
Ce rapport montre également que, dans les territoires sous contrôle du Gouvernement, la situation demeure préoccupante au niveau de l'administration de la justice, de la liberté d'expression et du droit à l'information. Le rapport signale des cas de militaires et policiers qui seraient détenus et torturés à Bamako, sans garanties judiciaires réelles. Malgré la bonne foi exprimée par les autorités, les enquêtes judiciaires piétinent de manière inquiétante.
Au vu des témoignages reçus, la Haut-Commissaire souligne le risque de représailles et de conflits interethniques en cas d'une intervention militaire au nord du Mali. Enfin, le rapport fait des recommandations aux divers acteurs impliqués dans la résolution de la crise en vue de protéger les populations civiles et de promouvoir la réconciliation nationale.
(Interview : Cécile Pouilly, porte-parole du Haut Commissariat de l'ONU aux droits de l'homme ; propos recueillis par Alpha Diallo)