12/20/2012 10:51 GMT
Par Michel MOUTOT
PARIS, 20 déc 2012 (AFP) - L'opération militaire envisagée contre les islamistes armés dans le nord du Mali est vouée à l'échec, faute de moyens et parce qu'elle devra affronter un ennemi insaisissable, estiment des experts.
Face à des groupes bien adaptés au terrain, qui auront eu le temps de se préparer et ne fourniront pas de cibles, les forces d'intervention pourraient donner un grand coup de poing dans le vide et le conflit risque de s'enliser, préviennent-ils.
"Il est probable qu'ils refuseront le combat frontal, pour lequel ils n'auraient aucune chance. Si la force qui leur est opposée est crédible, ils vont certainement quitter les villes et tenter de gagner leurs sanctuaires dans les massifs montagneux proches de la frontière algérienne, comme l'Adrar des Iforas, et là ce sera une autre paire de manches de les déloger", confie à l'AFP un officier supérieur français au fait du dossier qui, tenu au secret défense, demande à ne pas être identifié.
L'ancien chef d'un service de renseignements, qui demande lui aussi à rester anonyme, ajoute: "Les perspectives ne sont pas brillantes, nous allons dans le mur dans cette affaire. On est coincés, et ils le savent bien en face: on ne peut pas ne rien faire et d'un autre côté, si on fait quelque chose ce sera totalement insuffisant. C'est parti pour durer très longtemps".
Le déploiement d'une force de 3.300 hommes, sous l'égide de l'Union africaine (UA) et la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao), est en cours de préparation, sans intervention directe de forces occidentales. Selon l'envoyé spécial de l'ONU au Sahel Romano Prodi elle ne pourrait être opérationnelle avant septembre 2013.
L'Afghanistan pour référence
"Si on voulait véritablement éradiquer le problème il faudrait employer des forces africaines et occidentales, verrouiller les frontières - vous vous rendez compte du travail - et ratisser le terrain", ajoute l'ancien chef d'un service de renseignements. "Ce n'est pas 3.000 hommes qu'il faudrait, mais cent fois plus, et pendant longtemps. Nous sommes loin du compte. Prenez pour référence l'Afghanistan et vous comprendrez".
"Nous allons donner un grand coup de poing dans le vide: l'adversaire ne sera pas où nous l'attendons", ajoute-t-il. "Ils vont se tirer, se réfugier dans les montagnes et attaqueront plus tard, au moment où on ne l'attend pas, par petits groupes qui frappent et se retirent aussitôt. C'est le b-a-ba de la guérilla".
Face à une force constituée, les combattants du Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest (Mujao), d'Al Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) et d'Ansar Dine (Défenseurs de l'islam en arabe) vont certainement quitter les grandes villes qu'ils occupent et c'est à ce moment qu'ils pourraient être vulnérables. Mais il faudrait pour cela l'engagement de forces aériennes qui font pour l'instant défaut.
"Nous avons commencé, grâce aux écoutes téléphoniques, aux observations satellites et aériennes, à repérer et cartographier leurs itinéraires de repli possibles pour quitter de grands centres comme Tombouctou, Gao et Kidal", confie le même officier supérieur.
"Le problème est que, du moins pour l'instant, les moyens aériens pour attaquer ces colonnes de pick-up n'existent pas. L'armée française n'en dispose pas dans la région et les drones armés américains les plus proches sont à Djibouti, c'est à dire hors de portée. Il faudrait qu'ils en rapprochent de ce théâtre d'opérations, ce qui est toujours possible mais pas à l'ordre du jour pour l'instant", ajoute-t-il.
L'autre écueil à surmonter est la formation, l'entraînement et l'armement des troupes d'intervention. Intervenant récemment à Washington devant un centre de réflexion, le général Cart Ham, chef du commandement unifié de l'US Army pour l'Afrique (Africom) a reconnu que "la force de la Cédéao a largement été équipée et entraînée pour des missions de maintien de la paix, pas pour le type de mission qui pourrait être nécessaire dans le nord du Mali".
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