Après la démission sous la contrainte du gouvernement Diarra et la nomination de Django Sissoko, la FIDH condamne l’immixtion des forces militaires dans les affaires politiques, appellent les autorités maliennes à assurer la stabilité et le bon fonctionnement des institutions nationales, et la communauté internationale à soutenir activement la mise en œuvre de la feuille de route de la CEDEAO pour une résolution de la crise politique et du conflit.
Mardi 11 décembre au matin, Cheick Modibo Diarra, Premier ministre malien, a annoncé sa démission et celle de son gouvernement à la télévision nationale. La veille, M. Diarra avait été arrêté à son domicile par des hommes armés et conduit, en pleine nuit, au camp de Kati, quartier général du Conseil national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l’État (CNRDRE), où il s’est entretenu avec le capitaine Amadou Haya Sanogo, chef de la junte qui avait pris le pouvoir le 22 mars 2012. Aucune information n’a été communiquée quant aux raisons de cette arrestation, ni de la démission du Premier ministre qui s’en est suivie.
« Notre organisation ne peut que condamner les circonstances, pour le moins douteuses, ayant entraîner la démission du Premier ministre malien », a déclaré Sidiki Kaba, président d’honneur de la FIDH. « Il faut garantir l’union nationale entre toutes les forces en présence pour trouver une issue politique à la crise que traverse le Mali, et cela ne peut en aucun cas passer par une telle ingérence des militaires », a-t-il ajouté.
Le 20 août 2012, Dioncounda Traoré, président du Mali, avait signé le décret portant formation du nouveau gouvernement d’union nationale, conformément à la demande de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) pour la formation d’un nouvel exécutif suffisamment stable pour mener la transition politique et la reconquête du nord du pays. Amadou Haya Sanogo, ancien chef de la junte, avait été nommé président du Comité de suivi et de réforme de l’armée, et un certain équilibre avait été trouvé en formant une sorte de triumvirat composé de ce dernier, du Président et du Premier ministre. « Bien que la volonté de renforcement de l’unité nationale est à saluer, les autorités maliennes peinent à traduire cette union dans les faits par des décisions politiques en faveur d’une sortie de crise rapide », a déclaré Paul Nsapu, secrétaire-général de la FIDH.
La FIDH a présenté ces positions, le 12 décembre 2012, au Conseil de Paix et de Sécurité de l’Union africaine (UA) au cours d’une audition publique en présence des ambassadeurs de l’UA qui ont souligné l’importance et la place primordiale des droits de l’Homme dans la résolution des conflits (voir le communiqué du CPS : http://www.peaceau.org/uploads/cps....). A la suite de cette intervention,le CPS s’est d’ailleurs exprimé sur la situation au Mali, réaffirmant la nécessité « d’organiser, le plus rapidement possible et dans les conditions d’inclusivité requises, des élections libres, transparentes et crédibles, [ainsi que] les consultations nationales devant déboucher sur l’adoption d’une feuille de route pour la gestion de la transition ».
Depuis le début de la crise, la FIDH a alerté la communauté internationale sur les graves crimes commis au nord et sud du pays. [Tous les communiqués de presse de la FDH et de l’AMDH sur le Mali : http://www.fidh.org/-Mali,69-] La FIDH et son organisation membre au Mali, l’AMDH, ont notamment publié un rapport d’enquête intitulé : « Crimes de guerre au nord Mali ». qui a contribué à mettre en lumière les violations des droits de l’Homme subies par les populations civiles au nord. Plus de huit mois après la prise des régions du nord par les forces conjointes du Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA) et des groupes armés islamistes, les populations civiles subissent encore de nombreuses violations des droits de l’Homme.
Ce changement politique intervient alors que se dessinent les contours d’une possible intervention militaire avec un appui international, demandée par les autorités maliennes et la CEDEAO. Adoptée le 12 octobre 2012 à l’unanimité et au titre du chapitre VII de la Charte des Nations unies, la résolution 2071 demande au Secrétaire général des Nations unies de présenter un rapport, en concertation notamment avec la CEDEAO et l’Union africaine, sur la base duquel le Conseil de sécurité pourra autoriser dans 45 jours le déploiement d’une opération africaine au Mali, avec pour objectif de permettre au Mali de recouvrer la souveraineté et l’intégrité de son territoire et de lutter contre le terrorisme international. Ce rapport a été présenté au Conseil de sécurité le 5 décembre dernier et les discussions quant à une résolution sur le Mali se poursuivent.
Pour éviter les écueils et les violations des droits de l’Homme perpétrés lors de précédentes interventions militaires comme en Somalie, la FIDH a rappelé l’importance de placer les droits de l’Homme au cœur du dialogue national pour une sortie de crise et de garantir strictement les droits humains lors de l’éventuelle intervention militaire. Ainsi, une lettre ouverte conjointe a été adressée aux membres du Conseil de sécurité des Nations unies demandant notamment, si intervention militaire il y a, la formation des forces de sécurité et de défense maliennes et étrangères aux droits de l’Homme, humanitaire et des réfugiés, l’incorporation d’un contingent civil d’observateurs des droits de l’Homme permettant de suivre le respect de ces droits sur le terrain, et le soutien des efforts nationaux et internationaux pour traduire en justice les auteurs de violations graves des droits de l’Homme et du droit international humanitaire au Mali, actuellement sous analyse préliminaire de la CPI.
La FIDH appelle les autorités maliennes à tout mettre en œuvre pour assurer la stabilité des autorités de transition, la résolution de la crise politique et du conflit dans le respect des droits de l’Homme qui passe par la légitimité des institutions et donc, l’organisation d’élections libres et transparentes. Par ailleurs, notre organisation appelle la communauté internationale, et notamment les membres du Conseil de sécurité qui doivent adopter une résolution sur le Mali, à accentuer ses efforts en faveur de solutions politiques pour l’avenir démocratique du Mali et de garantir une composante substantielle droits de l’Homme de formation et de protection en cas de déploiement d’une force armée internationale d’assistance.