Avec l’appui du gouvernement et des chefs coutumiers et religieux, le PAM aide les familles burkinabées à repenser leur organisation sociale pour le mieux-être de tous.
Un homme qui part chercher de l’eau, un autre qui apporte du mil au moulin, une femme qui dispose de ses revenus, qui a son mot à dire dans la vie de la famille… Il y a quelques années encore, tout cela était extrêmement rare au Burkina Faso.
Dans ce pays, aux traditions patriarcales très fortes, la femme, qui pourtant multiplie les tâches difficiles, n’a que rarement la parole et ne participe pas aux décisions sur la marche du foyer. Ces comportements ont un impact sur les capacités de développement, la production agricole et le bien-être de la famille.
Depuis 2012, lentement mais surement, les choses changent, notamment grâce à une campagne de sensibilisation sur les questions de genre centrée sur la nutrition et la sécurité alimentaire, menée par le Programme alimentaire mondial (PAM), en étroite collaboration avec les leaders religieux, coutumiers et communautaires et le soutien des ministères de l’Agriculture et de la Sécurité alimentaire, de la Promotion de la Femme et du Genre, et de la Santé.
Cette année encore, une campagne s’est déroulée de février à mai dans les régions du Centre-Nord et de l’Est où les taux de malnutrition modérée sont parmi les plus élevés du pays (respectivement, 13,6 et 12,6%). La sensibilisation se fait à travers différents moyens : causeries-débats, conférences, visites à domicile, théâtres, émissions radio.
Dans les villages où la campagne a eu lieu, les changements sont visibles. Les chefs coutumiers et les chefs de ménage se sont engagés à donner aux femmes des terres et du matériel agricole. Les hommes ont pris l’engagement de s’impliquer dans la nutrition, et de veiller à la participation équitable des hommes et des femmes dans les activités menées par le PAM, notamment celles axée sur la restauration des sols et la conservation des eaux pour améliorer la production agricole.
Les hommes commencent à autoriser leurs épouses à accéder au grenier familial. De nombreuses femmes racontent qu’aujourd’hui les hommes ont commencé à les aider pour les corvées d’eau, de bois de chauffe et aller faire moudre le mil au moulin, à accompagner les enfants au centre de santé, à les impliquer dans les prises de décision concernant la famille, et à s’impliquer dans la nutrition des enfants. Les femmes qui ne pouvaient pas se rendre au centre de santé sans l’autorisation de leurs époux, peuvent le faire maintenant.
Les communautés renoncent aussi peu à peu à perpétuer les tabous alimentaires qui interdisent aux femmes enceintes de manger des œufs au risque de mettre au monde un enfant qui sera plus tard un voleur, ou celui qui interdit aux enfants de manger du foie, toujours réservé au chef de famille ; ou celui qui interdit à une fille ainée de manger du poulet toute sa vie.
Les sensibilisations portant par exemple sur l’hygiène, les aliments de base nécessaires, l’utilisation adéquate des produits locaux contribuent à une meilleure nutrition aussi bien du ménage que des jeunes enfants.
"Mon mari demande maintenant mon avis pour les questions concernant notre ménage. Les chèvres que j’élevais pour lui sont désormais ma propriété, mais que je dois en revanche contribuer aux frais de scolarité des enfants. Je suis fière parce j’ai maintenant une responsabilité dans la famille", raconte Youmali Onadja de Pama, région de l’Est.
L’implication des chefs coutumiers et religieux ainsi que les leaders communautaires dans la campagne de sensibilisation a contribué à son succès. Elle a suscité une réelle prise de conscience et une adhésion aux changements souhaités.
"Partout où nous sommes passés pour le suivi, on sent un changement positif qui commence à se produire aussi bien dans les habitudes que dans les comportements, surtout sur le volet alimentaire et nutritionnel" a déclaré M. Germain Ouali, Directeur régional de la Promotion de la Femme et du Genre de l’Est
Lors de la rencontre de restitution des résultats du projet, les participants ont recommandé que le projet soit étendu à d’autres localités. Déjà, des villages voisins, constatant les changements ont souhaité bénéficier de la même activité.