Un an après l'opération Serval - intervention militaire franco-africaine au Mali - Handicap International dresse le bilan de son intervention face à l'urgence humanitaire. Toutes ses compétences sont mises en œuvre pour répondre à la crise.
Le Mali a connu ces deux dernières années une crise sans précédent, conséquence des troubles politiques dans le Nord1 alors que le pays était déjà frappé par une grave crise alimentaire. Des centaines de milliers de personnes se sont déplacées depuis le nord vers le sud du Mali, en direction des pays frontaliers, ainsi qu'au nord du pays. Dès juin 2012, Handicap International a déployé un dispositif d'urgence pour répondre aux besoins des personnes privées de tous leurs moyens de subsistance, en renfort de son programme de développement.
« Le Mali est l'un des pays les plus pauvres de la planète2. La population vivait déjà dans un équilibre très précaire, avant que ce conflit ne vienne fragiliser leur situation encore davantage », explique Hélène Robin, en charge des opérations d'urgence chez Handicap International. « Nous avons constamment adapté notre intervention à l'évolution de la crise, notamment en travaillant sur la sécurité alimentaire, l'accès à l'aide humanitaire et aux soins de réadaptation, la dépollution des zones contaminées par des restes explosifs de guerre et la santé maternelle et infantile ».
Sécurité alimentaire et accès à l'eau
Présente au Mali depuis 1996, Handicap International s'est appuyée sur une excellente connaissance de la situation et sur son réseau de partenaires locaux pour distribuer de la nourriture dès les premières semaines de sa réponse humanitaire d'urgence. Aujourd'hui encore, à Tombouctou, l'association aide plus de 4 000 familles à accéder à la nourriture en leur proposant l'allocation mensuelle d'une somme d'argent, qui favorise également la reprise de l'activité marchande. Dans cette même région, 1067 ménages ont bénéficié de distributions de produits d'hygiène (tablettes Aquatabs® pour assainir l'eau, bidons, bouilloires, savons, etc.) pour éviter la propagation de maladies.
Accès à l'aide humanitaire et soins de réadaptation
En mai 2013, à Mopti, première zone de transit des populations déplacées, Handicap International mettait en place un point-relais handicap et vulnérabilité appuyé par trois équipes mobiles. La première équipe identifie les personnes les plus vulnérables, les oriente vers des partenaires pour qu'elles accèdent à leurs services et à l'aide dont ils ont besoin et assure un suivi. La deuxième dispense aux personnes blessées ou handicapées des soins de kinésithérapie pour accroître leur mobilité et limiter leur handicap et leur fournit des aides à la mobilité (béquilles, fauteuil roulants...). La troisième prend en charge les personnes qui ont subi un traumatisme suite au conflit en proposant des activités psycho-sociales.
Plus de 13 918 personnes ont été identifiées et leurs besoins évalués ; 827 d'entre elles ont été régulièrement visitées par les équipes mobiles pour des soins de réadaptation physique, et 855 personnes ont participé à des groupes de soutien psychosocial. Depuis quelques mois, les populations regagnent progressivement leurs lieux de vie et les organisations sur place commencent à reprendre leurs activités. C'est pourquoi ce projet arrive naturellement à son terme.
En parallèle, Handicap International participe à la réouverture du Centre régional d'Appareillage orthopédique et de Réadaptation fonctionnelle (CRAORF) de Tombouctou, fermé en raison du conflit. L'association prend en charge le coût des soins pour garantir l'accessibilité des services aux personnes blessées et handicapées. Elle s'assure aussi que chaque personne amputée suite au conflit soit appareillée.
Destruction des restes explosifs de guerre et des armes légères et prévention des risques
Depuis l'été 2012, Handicap International éduque les déplacés aux risques liés aux armes. . Les séances de sensibilisation ont permis d'identifier 55 zones dangereuses dans les secteurs de Mopti, Tombouctou, Diabaly et Dogofri (Région de Ségou). L'association a dépêché sur le terrain deux équipes de démineurs, chacune composées de 11 personnes. Elles sont chargées d'identifier et de détruire les restes explosifs de guerre car ils menacent la sécurité des civils. A ce jour, plus de 29 000 de ces engins explosifs ont été découverts et détruits.
Soins maternels et infantiles à Mopti
La plupart des déplacés maliens ont tout perdu et n'ont plus de quoi se soigner. Les nouveau-nés reçoivent des soins précaires, ce qui favorise des complications irréversibles. En conséquence, les structures sanitaires sont surchargées. A Mopti, la mortalité maternelle et infantile et les maladies ont significativement augmenté. Handicap International apporte son aide aux 16 structures les plus sollicitées. L'association dispense des formations au personnel médical pour améliorer ses compétences en matière de santé reproductive, de grossesses et d'accouchements à risque, et en matière de santé infantile (surveillance préventive de l'enfant, stimulation motrice et émotionnelle dès la naissance des bébés handicapés). Handicap International fournit également du matériel gynéco-obstétrical (tables d'accouchement, forceps, tensiomètres, balances pour bébé...). Enfin, l'association organise la mise en place d'un dispositif d'urgence obstétricale et de suivi prénatal disponible tous les jours, 24h sur 24. Il comprend 7 équipes mobiles prêtes à évacuer d'urgence les femmes enceintes. Près de 4 500 femmes ont été prises en charge dans le cadre de ces actions à ce jour. Parmi ces bénéficiaires, on trouve 643 femmes handicapées, veuves ou répudiées (528 déplacées et 115 issues des communautés d'accueil). Exclues de leurs communautés, elles survivent dans un extrême dénuement Avec Handicap International, elles vont bénéficier d'une aide financière pour mettre en place des microprojets économiques.
Simultanément à ces projets d'urgence, Handicap International a continué à mener à bien ses actions de développement : actions d'insertion scolaire et professionnelle, de détection et de prise en charge précoce du handicap, de formation des associations de personnes handicapées et de développement des établissements scolaires et de santé.
[1] Partie du pays occupée jusqu'alors par des groupes armés islamistes – Ansar Eddine, soutenus par AQMI (Al-Qaida au Maghreb Islamique) – et indépendantistes touaregs – MNLA (Mouvement National de Libération de l'Azawad).
[2] Selon le PNUD (programme des Nations unies pour le développement), l'indice de développement humain du Mali est de 0.344, ce qui le place à la 182ème place, sur 186 pays classés.