Les autorités maliennes doivent libérer les enfants emprisonnés
Les autorités maliennes doivent immédiatement remettre en liberté cinq enfants qui sont maintenus en captivité depuis plus de sept mois dans un centre de détention militaire, a déclaré Amnesty International samedi 30 novembre à l’occasion du lancement, à Bamako, de son rapport Agenda pour les droits humains.
Une délégation d’Amnesty International menée par le secrétaire général, Salil Shetty, a rencontré les cinq adolescents, âgés de 15 à 17 ans, dans le centre de détention de Camp 1 de la gendarmerie, à Bamako.
L’un d’eux est un enfant soldat qui avait rejoint le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO). Les quatre autres ont été arrêtés en raison de leurs liens supposés avec des groupes armés.
« Nous avons été horrifiés à la vue de ces jeunes garçons, traumatisés, détenus avec des adultes dans des conditions déplorables, a déclaré Salil Shetty. Il s’agit d’une violation évidente du droit national et du droit international, et ils doivent être immédiatement remis en liberté. »
« Des enfants ne doivent que rarement, voire jamais, être maintenus en détention. L’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale dans tout acte qui concerne des enfants. »
Un des garçons, âgé de 16 ans, a été arrêté à Kidal par les forces de sécurité maliennes il y a plus de deux mois, alors qu’il sortait d’un magasin et qu’une grenade a explosé de l’autre côté de la rue. Les agents l’ont accusé d’avoir lancé la grenade et l’ont frappé, lui ont bandé les yeux et ont attaché ensemble les mains et les pieds. Ils l’ont aussi brûlé avec une cigarette sur les bras.
Un autre garçon, de 15 ans, extrêmement pauvre, a rejoint le MUJAO car il avait entendu dire qu’il payait ses recrues. Il a quitté le mouvement au bout de plusieurs mois, sans avoir jamais été payé, et il a été arrêté par les forces de sécurité maliennes dans son village natal de Kadji, près de Gao. Les soldats maliens l’ont ligoté et frappé dans le dos, et ils lui ont bandé les yeux.
« Les autorités maliennes nous ont assuré qu’elles n’avaient aucun enfant soldat en détention, mais il est évident que cela n’est pas vrai, a déclaré Salil Shetty. Le gouvernement a signé en juillet 2013, avec l’ONU, un protocole visant à la libération, au transfert et à la protection des enfants associés à des groupes armés, et il doit respecter ses engagements. »
Le rapport que lance Amnesty International aujourd’hui, Agenda pour les droits humains, demande que des enquêtes approfondies et indépendantes soient menées sur les graves atteintes aux droits humains commises au cours des deux dernières années par toutes les parties au conflit.
Depuis le début de la crise, Amnesty International a rassemblé des informations sur 14 homicides illégaux perpétrés par des groupes armés dans le nord du pays, et sur d’autres atteintes terrifiantes aux droits humains. Un couple a ainsi été lapidé à mort en juillet 2012 pour avoir eu des relations sexuelles hors mariage et, en septembre 2012, six personnes ont subi l’amputation de la main droite et du pied droit devant une foule, à Gao. Les mains et les pieds amputés ont ensuite été exposés au commissariat de police.
Le rapport fait aussi état de l’exécution extrajudiciaire dont auraient été victimes au moins 40 civils accusés d’être proches des groupes armés. Les chercheurs d’Amnesty International ont parlé avec un homme qui a vu des soldats jeter des corps dans un puits à Sevaré, en janvier 2013. Une puanteur pestilentielle se dégageait du puits.
Le procureur de Sevaré a indiqué qu’il avait diligenté une enquête sur ces homicides mais, à ce jour, Amnesty International n’a reçu aucune information sur les résultats de ces investigations.
La délégation d’Amnesty a rencontré les familles des plus de 20 soldats qui ont disparu après avoir été enlevés du camp militaire de Kati en mai 2012. Ils étaient soupçonnés d’avoir fomenté un contre coup d’État contre le général Amadou Haya Sanogo, qui avait dirigé le coup d’État de mars 2012 au Mali. Les familles des victimes se réjouissaient de la détention du général Sanogo, qui a été arrêté et inculpé de meurtres, assassinats et séquestration mercredi 27 novembre 2013.
Sagara Binto Maïga, présidente du Collectif des épouses et parents des bérets rouges disparus, a déclaré : « Depuis la disparition de nos fils et de nos maris, nous n’avons aucune nouvelle. Nous voulons savoir où ils sont, ce qui leur est arrivé et s’ils sont en vie ou non. »
Elle a ajouté : « Nous avons finalement obtenu un rendez-vous avec le ministre de la Défense cette semaine. Nous lui avons dit que nous marcherions nues s’il ne nous disait pas ce qui est arrivé à ceux qui nous sont chers. Nous avons donné comme date limite l’arrivée de la délégation d’Amnesty International. Il nous a dit d’être patientes et qu’ils faisaient ce qu’ils pouvaient. Le lendemain même, Sanogo a été arrêté et inculpé. »
« Amnesty International a pris connaissance avec satisfaction des efforts déployés par le gouvernement pour rétablir la justice et l’État de droit, a déclaré Salil Shetty. Nous prions le gouvernement de veiller en permanence à ce que des enquêtes approfondies et transparentes soient menées sur toutes les allégations faisant état d’atteintes aux droits humains, conformément aux dispositions du droit international. »
Amnesty International a aussi recueilli des informations sur des cas de viol et autres sévices sexuels infligés à des femmes et des jeunes filles par des membres de groupes armés, dont le Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA).
Une jeune fille de 16 ans a déclaré aux chercheurs d’Amnesty International qu’elle avait été violée à de nombreuses reprises pendant deux jours par des membres d’un groupe armé qui l’avaient capturée à Gao, la ville où elle vivait. L’organisation demande l’ouverture d’une enquête sur les allégations de violences sexuelles, la poursuite en justice des auteurs présumés de ces faits et la mise en place de programmes d’aide afin que les victimes bénéficient d’une assistance médicale et psychologique.
« La population malienne est profondément traumatisée par les événements de ces deux dernières années, a déclaré Salil Shetty. Veiller à ce que l’ensemble des responsables présumés de violations des droits humains soient déférés à la justice est indispensable à la construction d’une paix durable au Mali. C’est la seule manière d’aider le pays à tourner cette page douloureuse de son histoire. »
La Cour pénale internationale a annoncé en janvier 2013 qu’elle ouvrirait une enquête sur les crimes de guerre commis au cours de la dernière année du conflit. Amnesty International accueille cette décision avec satisfaction mais exhorte le procureur à s’intéresser à l’ensemble des allégations de crimes dans le pays, notamment aux violations imputées aux forces maliennes de sécurité.