Une production agropastorale bonne avec des risques localisés d’insécurité alimentaire et nutritionnelle dans la région
La campagne agropastorale 2013-2014 a été marquée par une installation tardive des pluies dans plusieurs localités de la région. Mais à partir de mi-juillet, les pluies ont été abondantes, voire exceptionnelles occasionnant des inondations par endroits. Les cumuls pluviométriques saisonniers ont été globalement supérieurs à ceux de la moyenne interannuelle 1981-2010. Le régime hydrologique des principaux cours d’eau a été satisfaisant avec des niveaux de crues et de remplissage des barrages favorables aux cultures de contre saison et de décrues.
L’installation des semis a été effective en fin juillet 2013 dans la région, exceptées dans certaines localités du nord de la zone agricole du Sahel, où des retards de plus de 20 jours ont été relevés. La situation phytosanitaire a été globalement calme. Toutefois, il est noté une résurgence acridienne au nord de la Mauritanie, qui pourrait constituer une menace sur les cultures oasiennes et les pâturages abondants des régions du nord de la Mauritanie.
La situation pastorale est globalement bonne avec une santé animale satisfaisante, des points d’eau relativement bien remplis et des pâturages disponibles. Cependant, des déficits fourragers sont localement observés au Niger, au Tchad, en Mauritanie, au Sénégal et au Mali. La situation alimentaire du cheptel risque de se détériorer précocement dans ces zones avant la période habituelle de soudure pastorale.
La production céréalière prévisionnelle au Sahel et en Afrique de l’Ouest se chiffre à 57 462 000 tonnes. Elle est en hausse de 16% par rapport à la moyenne des cinq dernières années. Le Sahel accuse un niveau de production moyenne de 19 541 000 tonnes soit +1%. La zone côtière enregistre une situation plus favorable avec une production totale de 37 921 000 tonnes en hausse de 25%. La production brute de céréales par habitant est en baisse dans le Sahel de 13% par rapport à la moyenne des cinq dernières années, tandis qu’elle est en hausse de 19% dans la zone côtière.
La production de riz estimée à 16 181 000 tonnes a connu la plus grande hausse avec plus de 31% par rapport à la moyenne, suivie de celle du maïs avec 19 239 000 tonnes en hausse de 19%. Par contre, la production de mil connait une baisse de 17%.
Parmi les autres cultures, l’arachide avec 5 801 000 tonnes a subi une hausse importante de 25% comparé à la moyenne des cinq dernières années. La production du manioc est estimée à 82 243 000 tonnes (+24%), celle de l’igname à 51 825 000 tonnes (+1%), le taro à 4 901 000 tonnes (-2%) et le niébé à 4 852 000 tonnes (+11%).
Le niveau d’approvisionnement des marchés est globalement satisfaisant. L’apparition des nouvelles récoltes a permis d’amorcer les baisses saisonnières des prix dès septembre dans la région. Cependant, les prixrestent encore élevés par rapport à la moyenne des 5 ans, particulièrement pour le mil et le sorgho dans les bassins Est et Ouest. Les prix des produits de rente varient différemment selon les bassins de productions. Par rapport à la moyenne des cinq dernières années, les prix de l’arachide sont en hausse et ceux du niébé en baisse à l’Ouest. Dans les bassins Centre et Est, on note un intérêt des commerçants autour du niébé, ce qui a maintenu les prix au-dessus de la moyenne. Les termes de l’échange bétail/céréales sont favorables aux éleveurs avec des prix des animaux qui sont dans l’ensemble à la hausse dans la région. De possibles dégradations locales des termes de l’échange sont prévisibles à la fin du premier trimestre de 2014, suite à des insuffisances localisées de pâturages.
Concernant la situation nutritionnelle, des baisses de la prévalence de la malnutrition aiguë globale sont observées au Niger, au Burkina Faso, au Mali et au Tchad. Cependant, la situation reste préoccupante au Sahel et en Afrique de l’Ouest avec des poches en urgences nutritionnelles constatées suite aux enquêtes conduites entre juin et août 2013. La malnutrition aiguë modérée touche 3,4 millions d’enfants de moins de 5 ans et 1,1 millions pour la forme sévère. La situation nutritionnelle pourrait connaitre une détérioration suite aux baisses de production attendues dans certaines localités de la Gambie, du Mali, de la Mauritanie, du Niger, du Sénégal et du Tchad, combinées au faible pouvoir d’achat des ménages et aux tensions sociales dans la région.
L’analyse de la sécurité alimentaire et nutritionnelle avec l’outil Cadre Harmonisé, réalisée en octobre et novembre 2013 dans dix pays de la région, montre que plusieurs zones sont en situation de stress alimentaire avec des pointes de crise localisée malgré les récoltes en cours. Cela découle, en général, des effets conjugués de la faiblesse des stocks chez les ménages pauvres, de leur accès alimentaire limité et de la malnutrition aigüe élevée.
L’estimation des populations, effectuée dans 6 pays (Burkina Faso, Gambie, Niger, Sénégal, Mauritanie, Côte d’Ivoire), fait ressortir 11 300 000 personnes affectées par l’insécurité alimentaire sous toutes ses formes, dont 1 600 000 nécessitant une assistance alimentaire immédiate. A ceux-là, s’ajoutent 1 725 000 personnes en insécurité alimentaire sous toutes ses formes au Tchad. La région compte en plus, au 12 novembre 2013, plus de 654 000 réfugiés et plus de 373 000 déplacés internes.
Compte tenu de tout ce qui précède, la réunion recommande aux Etats et à leurs partenaires de :
- Etablir des plans de réponse pour venir en aide aux populations en insécurité alimentaire et nutritionnelle et des victimes d’inondations ;
- Poursuivre l’assistance dans les zones en stress pour renforcer la résilience des populations vulnérables ;
- Renforcer la surveillance nutritionnelle et la prise en charge de la malnutrition aigüe ;
- Renforcer la surveillance du criquet pèlerin en Mauritanie et au Mali ;
- Eviter toute restriction au bon fonctionnement des marchés pour assurer la libre circulation des surplus vers les zones déficitaires ;
- Renforcer le suivi de la situation pastorale, lutter contre les feux de brousse et faciliter la transhumance transfrontalière ;
- Appuyer les activités de contre-saison maraichères et vivrières là où c’est possible ;
- Engager une collecte des données pour le prochain cycle du cadre harmonisé en mars 2014 en vue d’une mise à jour de la présente situation.
Fait à Lomé, le 22 novembre 2013