08/13/2013 12:08 GMT
Par Stéphane BARBIER
BAMAKO, 13 août 2013 (AFP) - Le futur président malien, Ibrahim Boubacar Keïta dit IBK, va devoir s'atteler à relever et réconcilier un pays meurtri et divisé par 18 mois de crise politico-militaire, mais il est déjà assuré du soutien de la France, qui l'a félicité.
L'ex-ministre malien des Finances Soumaïla Cissé, qui était son adversaire au second tour de l'élection présidentielle organisé dimanche au Mali, a créé la surprise en reconnaissant lundi soir la victoire de M. Keïta, 68 ans et ancien Premier ministre, sans attendre la publication des résultats provisoires et officiels attendus d'ici à vendredi.
Le président français François Hollande, dont le pays et son armée ont largement contribué à libérer le nord du Mali de l'occupation islamiste, s'est "entretenu par téléphone avec Ibrahim Boubacar Keïta et l'a félicité pour sa victoire", lui assurant "que la France resterait au côté du Mali", a annoncé mardi la présidence française dans un communiqué.
Selon l'entourage de M. Hollande, le chef de l'Etat français ira au Mali pour l'investiture de M. Keïta, prévue en septembre. Il s'était déjà rendu quelques heures au Mali, le 2 février, trois semaines après le début de l'intervention des forces françaises dans ce pays. Les semaines suivantes, Paris avait poussé les autorités maliennes de transition pour la tenue de la présidentielle, en dépit de craintes notamment sécuritaires.
Lundi soir, Soumaïla Cissé est allé dans la discrétion, avec sa femme et ses enfants, au domicile de M. Keïta à Bamako pour "le féliciter et lui souhaiter bonne chance pour le Mali," a-t-il expliqué à l'AFP juste après la rencontre.
Un déplacement qui est plus "dans la tradition malienne" qu'un simple appel téléphonique, a-t-il indiqué ensuite dans une déclaration à d'autres médias.
"L'heure n'est plus à la polémique", a-t-il affirmé, alors que son entourage avait dénoncé auparavant dans la journée "des fraudes massives" et une attitude "partisane" du régime de transition en place à Bamako depuis le coup d'Etat du 22 mars 2012 qui avait renversé le président élu Amadou Toumani Touré. Le camp d'Ibrahim Boubacar Keïta n'avait pas encore réagi mardi matin au geste de M. Cissé.
"Renforcer les institutions"
Après son investiture officielle, Ibrahim Boubacar Keïta, dont le parti, le Rassemblement du peuple du Mali (RPM), est membre de l'Internationale socialiste, va devoir très rapidement prendre des mesures concrètes pour redonner de la confiance à des Maliens traumatisés et divisés par la profonde crise politique et militaire qu'ils viennent de traverser.
Cette crise avait débuté en janvier 2012 par une offensive de rebelles touareg dans le nord du Mali, supplantés rapidement par des groupes criminels et islamistes armés liés à Al-Qaïda pour le contrôle de cette région, à la suite du coup d'Etat militaire du 22 mars 2012.
Les groupes jihadistes ont laminé la rébellion touareg et l'armée malienne, commis d'innombrables exactions, avant d'être en grande partie chassés par une intervention militaire franco-africaine toujours en cours.
Le conflit a plongé en 18 mois le Mali dans la récession, accentué la pauvreté, ravivé les tensions entre communautés touareg, arabes et noires, et provoqué un exode massif de population, environ 500.000 déplacés internes et réfugiés.
Ibrahim Boubacar Keïta souhaite mettre en place un gouvernement de large union pour faire face à ces immenses défis. A plusieurs reprises, il a indiqué que sa première tâche serait "la réconciliation", en particulier avec la minorité touareg qui se sent marginalisée.
Un accord intérimaire signé le 18 juin à Ouagadougou entre des représentants du régime malien de transition et les groupes armés rebelles touareg prévoit l'ouverture de "pourparlers de paix" dans les 60 jours suivant la mise en place du nouveau gouvernement.
Vivant essentiellement dans le nord du Mali qu'elle appelle l'Azawad, la communauté touareg - quelques centaines de milliers de personnes sur une population totale de 14 millions d'habitants - s'estime mise volontairement à l'écart du développement du reste du pays. Le Mali a déjà vécu plusieurs rébellions touareg depuis son indépendance en 1960.
Le nouveau président pourra compter sur l'appui de la communauté internationale qui a promis une aide massive de 3,2 milliards d'euros au Mali.
Pour Corinne Dufka, de l'organisation Human Rights Watch (HRW), la présidentielle malienne "a tenu ses promesses pour le peuple malien" ayant souffert de la crise, mais "il reste malgré tout beaucoup à faire".
Elle exhorte les nouvelles autorités maliennes à ne plus tolérer d'abus des forces de défense et la corruption et à "renforcer les institutions qui garantissent l'Etat de droit".