À trois jours d’un vote crucial pour le futur du Mali, après 18 mois de crise politique et d’une guerre contre des groupes armés au nord, le pays du Sahel est partagé entre l’espoir d’un “nouveau départ” et la crainte que les présidentielles du 28 juillet soient entachées de fraudes et de violences.
L’Union africaine (UA), qui a déployé une mission d’observation électorale, se veut rassurante. “On a entendu des suspicions concernant les cartes Nina, les cartes d’identité nationales qui vont servir de cartes de vote, mais jusqu’à présent il n’y a pas eu de remise en cause fondamentale car toute la classe politique aspire à aller aux urnes”, a déclaré Edem Kodjo, président de la mission UA. D’après lui les risques de fraude sont inhérents à tout processus électorale, mais dans le cas malien “ils ne peuvent pas conduire à la non validation du vote”, a ajouté Kodjo.
Selon certaines informations 1,9 million de cartes électorales ont été fabriquées en trop et sont restées vierges, sans nom ni photo. Certains partis politiques soupçonnent que les autorités de transition au pouvoir ne préparent un “coup d’état électoral”. A Bamako le gouvernement assure que les cartes nationales d’identification (Nina), qui sont au cœur de la polémique, se trouvent toujours dans les locaux de l’entreprise les ayant fabriquées en France.
Ces derniers jours des dizaines de citoyens maliens résidant à l’étranger se sont plaints car ils ne pourront pas voter : leur nom, par erreur ou omission, n’a pas été inscrit sur les listes des ayant-droit. D’autre part il n’est pas clair si les centaines de milliers de déplacés internes et de réfugiés dans les pays voisins ont tous bien reçu leur carte électorale.
Les présidentielles de dimanche seront également supervisées par 250 observateurs de la Communauté économique des états (Cédéao), par des dizaines de députés de l’Union économique et monétaire d’Afrique de l’Ouest (Uémoa) et, pour la première fois, par 153 observateurs de Caritas Mali appuyée par le Secours catholique. En tout, y compris les agents envoyés par l’Union européenne, il y aura plus de 2000 observateurs aux quatre coins du pays. Plusieurs sources de presse locale ainsi que des analystes insistent sur les “pressions exercées par la commuauté internationale, en particulier par la France, pour pousser le Mali à aller à tout prix aux urnes” à la date établie.
L’autre motif de préoccupation est représenté par les conditions de sécurité du vote surtout dans les régions septentrionales encore instables, en particulier à Kidal et Gao, théâtres ces derniers jours de nouvelles violences, explosions et prises d’otage qui ont visé des soldats français, des représentants des communautés arabes et noires. Malgré la présence de militaires français dans le cadre de l’Opération Serval, lancée en janvier dernier, et de nombreux contingents africains passés depuis le 1er juillet sous le commandement de l’Onu (la mission de paix Minusma), la région vaste et désertique de l’Azawad est toujours menacée par des attaques sporadiques de groupes armés touaregs et islamiques.
Tandis que la campagne se poursuit jusqu’à demain soir minuit, les derniers sondages diffusés par la presse malienne mettent en tête l’ex premier ministre Ibrahim Boubacar Keïta (Ibk), candidat du rassemblement pour le Mali (Rpm), grand favori qui pourrait obtenir au premier tour entre 35 et 48,1% des préférences. La seconde place pourrait revenir à un autre ex-premier ministre, Soumaïla Cissé, économiste de renommée mondiale et ex-ministre des Finances candidat de l’Union pour la république et la démocratie (Urd). En troisième position les sondages donnent l’ingénieur de 46 ans, Dramane Dembélé, peu connu du grand public et présenté par l’Alliance pour la démocratie au Mali (Adéma).
Des sources locales de la MISNA confirment que malgré les doutes et les craintes le rendez-vous électoral de dimanche suscite de nombreux espoirs “pour le retour du Mali sur le chemin de la démocratie et de l’unité nationale”, mais aussi pour la “reconstruction des trois chefs-lieux septentrionaux de Kidal, Gao et Timbouctou”, en proie à une grave crise humanitaire et souffrant d’une carence chronique en services publics, da la santé à l’éducation.
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