LES POINTS CLÉS
- L’UA poussée à l’action par l’intervention française
- Un déploiement rapide de 1 500 soldats à tout moment
- Des contributions volontaires en effectifs pour cette nouvelle force
- Un besoin d’avions gros porteurs supplémentaires pour le transport aérien
JOHANNESBOURG, 4 juin 2013 (IRIN) - Une nouvelle force approuvée par l’Union africaine (UA) pour un déploiement rapide en cas de conflit comme celui du Mali est présentée comme une mesure de transition en attendant la formation planifiée de la Force africaine en attente (FAA) dotée d’une « capacité de déploiement rapide » (CDR).
Contrairement à la FAA qui aura également des fonctions policières et civiles, la Capacité africaine de réponse immédiate aux crises (CARIC) aura « une capacité exclusivement militaire pourvue d’une grande réactivité pour intervenir rapidement sur décision politique en cas d’urgence afin de résoudre des conflits sur tout le continent, », a déclaré Nkosazana Dlamini-Zuma, présidente de la Commission de l’UA, dans un récent communiqué lors du sommet de l’UA à Addis Abeba.
Si l’échec de l’UA dans la résolution de conflits dans des pays comme la Côte d’Ivoire, la Libye et le Mali est une source d’embarras pour l’organisation d’États africains, la Mission de l’Union africaine en Somalie (AMISOM), dont les frais de fonctionnement annuels de 500 millions de dollars sont assurés par les partenaires internationaux, est largement considérée comme une réussite.
Selon les analystes, l’AMISOM est une source de « fierté » pour l’UA, car les forces africaines, au prix de nombreuses vies (des milliers de morts selon certaines estimations), ont réussi à ramener un espoir de paix, là où les forces américaines bien mieux équipées avaient échoué en Somalie.
Poussée à l’action
Mme Dlamini-Zuma a déclaré dans son rapport que le Mali avait été un élément déclencheur dans la création de la CARIC et qu’il était « évident » qu’une force militaire africaine dotée d’une CDR aurait permis que l’intervention militaire française ne soit pas « l’unique recours ».
Solomon Dersso, directeur de recherche au bureau d’Addis Abeba de l’Institut d’études de sécurité (ISS), un groupe de réflexion basé à Pretoria, a déclaré à IRIN que le fait que le président intérimaire Dioncounda Traoré ait demandé une aide militaire à l’ancienne puissance coloniale française pour contrer les rebelles islamistes « a laissé un goût amer à beaucoup de gens ici [à Addis Abeba et au siège de l’UA] et a alimenté les débats au plus haut niveau de l’UA ».
Selon Mme Dlamini-Zuma, la CARIC sera constituée à partir d’une « réserve de 5 000 soldats avec des modules opérationnels sous la forme de groupements tactiques de 1 500 personnes pouvant être déployés rapidement… avec une période initiale de soutien autonome de 30 jours minimum ».
D’après le rapport, la CARIC sera composée de trois groupements tactiques constitués de trois bataillons d’infanterie de 850 soldats chacun, d’une compagnie d’artillerie et de blindés légers, ainsi que d’une escadre aérienne de 400 hommes qui comprendra des avions et des hélicoptères d’assaut, de même qu’un soutien logistique doté de capacités stratégiques d’emport instantané. L’unité devrait avoir un « préavis de mouvement de 10 jours ».
Le quartier général de cette force comptera un effectif permanent de 50 personnes et les missions de la CARIC concerneront : « la stabilisation, l’imposition de la paix et les missions d’intervention ; la neutralisation de groupes terroristes ou autres entités criminelles transfrontalières et de rébellions armées ; et une aide d’urgence aux États membres dans le cadre du principe de non-indifférence pour la protection des civils », a indiqué le rapport de Mme Dlamini-Zuma.
Le commissionnaire de l’UA pour la paix et la sécurité, Ramtane Lamamra, a déclaré dans un communiqué que les contributions en effectifs se feraient sur une base volontaire de la part des États membres et que les pays participants financeraient la CARIC afin qu’elle puisse « agir en toute indépendance ».
À première vue, la CARIC ressemble à un prototype de la FAA, mais les modalités de déploiement des deux forces sont légèrement différentes. M. Lamamra a déclaré : « Le commandement et le contrôle [de la CARIC] seront assurés par le Conseil de paix et de sécurité de l’UA sur demande lorsqu’un État membre sollicitera une intervention ».
La mission de la FAA, établie par l’Acte constitutif de l’UA adopté en 2000, marque une rupture avec son prédécesseur, l’Organisation de l’unité africaine (OUA) qui appliquait le principe de non-ingérence avec les États membres. Cet acte a conféré à l’UA non seulement le droit d’intervenir dans un conflit, mais aussi l’obligation de le faire « dans certaines circonstances graves, à savoir les crimes de guerre, le génocide, les crimes contre l’humanité ».
Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères sud-africain, Clayson Monyela, a déclaré à IRIN que l’UA restait attachée à la FAA, et, bien que le déploiement de la CARIC soit soumis à la demande d’un gouvernement, « il peut y avoir des circonstances exceptionnelles » permettant à la force armée d’intervenir sans y être invitée.
Des forces ad hoc
En dehors des missions des Nations Unies et de l’UA, les opérations militaires africaines privilégient des forces ad hoc telles que l’opération lancée par quatre pays à l’encontre de l’Armée de résistance du Seigneur (LRA) de Joseph Kony.
Selon Sivuyile Bam, le chef de la Division des opérations d’appui à la paix (PSOD) de l’UA, l’avantage des forces ad hoc était qu’elles suivaient le concept de nation-cadre et qu’elles permettaient une action plus directe, au lieu de suivre les complexités politiques de la FAA. « [Grâce à ce système ad hoc] un pays peut déclarer à l’UA qu’il possède un bataillon et qu’il peut le déployer dès le lendemain ».
M. Bam envisage un « système combiné pour les cinq à dix prochaines années. Le système de la FAA est en train de mûrir, son développement prend du temps et il dépend encore du concept [ad hoc] de nation-cadre, donc, lorsqu’une opération est nécessaire, il faut envoyer un message aux États membres [de l’UA] en disant : ‘J’ai besoin de soldats, s’il vous plaît, aidez-moi’ ».
a CARIC est conçue comme un « arrangement temporaire », a expliqué M. Dersso de l’ISS, mais « dès que [la CARIC] sera constituée, elle pourra prendre un chemin totalement différent, en fonction de sa réussite » et pourrait cesser d’être une force ad hoc pour devenir une « entité à part entière » au service de l’UA.
Certains analystes ont avancé qu’une FAA opérationnelle, efficace et bien équipée n’aurait peut-être pas la possibilité de se déployer simultanément dans des régions comme le Soudan du Sud, le Sahel et la République démocratique du Congo (RDC).
Si la FAA voit finalement le jour, les contributions en effectifs des cinq brigades en attente seront réparties dans cinq régions économiques du continent africain. Forte d’environ 5 000 soldats, 720 agents de police et 60 membres civils (des conseillers spécialistes des droits de l’homme, de l’information publique et des questions politiques), chaque brigade sera en réserve sur une période de six mois, suivant un système de rotation tous les deux ans, afin de pouvoir se déployer rapidement.
La FAA devra accomplir plusieurs tâches comme celle de fournir des effectifs destinés à être rattachés à une mission militaire régionale, politique ou mandatée par les Nations Unies, ou encore de déployer une force régionale de maintien de la paix dans un délai de 30 jours ou de 14 jours en cas de « circonstances graves » comme un génocide.
Des doutes sur la capacité militaire
Un rapport de l’ISS a récemment souligné le besoin urgent de forces d’intervention rapide, car « le risque d’instabilité et de violence [en Afrique] devrait persister, voire s’aggraver dans certains cas ».
Parmi les facteurs de conflit énoncés dans le rapport, il y a : le fait que « beaucoup d’États sont à mi-chemin entre l’autocratie et la démocratie » ; le syndrome de « mauvais voisinage » causé par les effets des conflits qui s’étendent au-delà des frontières ; et les États qui sortent d’un conflit pour replonger dans un climat de « violence répétée ».
Le déploiement imminent d’une force d’intervention de 3 000 hommes, robuste et faisant preuve d’une grande mobilité, composée de troupes malawites, sud-africaines et tanzaniennes, et appelée SADCBrig (brigade de la Communauté de développement d’Afrique australe) pour « neutraliser » les groupes armés dans l’est de la RDC, conformément à la résolution 2098 des Nations Unies, ressemble plus à la mission de la CARIC qu’à celle de la FAA, car elle sera constituée d’une force combattante sans aucun volet civil ou policier.
Cependant, le déploiement de cette force d’intervention en RDC est retardé par un ensemble de facteurs, notamment un manque croissant d’avions gros porteurs disponibles et un nombre insuffisant de pistes d’atterrissage adaptées, comme l’a déclaré à IRIN Helmoed-Romer Heitman, correspondant de la revue spécialisée Jane’s Defence Weekly.
« Comment se déployer rapidement sans avions gros porteurs ? », a-t-il demandé. Les militaires africains affrétaient des avions « comme d’habitude », mais dépendaient d’appareils soviétiques pour leur transport aérien, comme les avions Antonov qui étaient devenus obsolètes, a-t-il rappelé.
L’Afrique du Sud avait commandé huit avions militaires Airbus A400m de transport aérien en 2005 pour un coût d’environ 1 milliard de dollars américains, avant d’annuler la commande à cause des contraintes financières et d’une augmentation des coûts associés. Le pays a été remboursé de l’acompte de 407 millions de dollars en décembre 2011 par le constructeur aéronautique européen Airbus, les avions de transport devant être opérationnels en 2013.
M. Heitman s’est également interrogé sur la définition du concept « d’intervention rapide » selon l’UA, en évoquant les récents affrontements à Bangui, la capitale centrafricaine qui a était le théâtre d’un déploiement des troupes sud-africaines réalisé à la va-vite pour soutenir le président François Bozizé. Treize soldats sud-africains ont été tués et deux autres ont succombé à leurs blessures après leur rapatriement.
« Il peut se passer beaucoup de choses en 48 heures. Parachuter un bataillon sur le terrain en 24 heures est une intervention rapide », a-t-il déclaré.
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