05/23/2013 19:36 GMT -
Par Boureima HAMA
NIAMEY, 23 mai 2013 (AFP) - Deux attentats-suicides quasiment simultanés contre l'armée nigérienne et le groupe nucléaire français Areva, revendiqués par les islamistes du Mujao, ont fait jeudi une vingtaine de morts, essentiellement des militaires, dans le nord du Niger.
A Agadez, des élèves officiers étaient toujours retenus en otages par un assaillant impliqué dans l'opération perpétrée à l'aube contre un camp militaire de cette grande ville du nord désertique du Niger, selon le gouvernement.
Il s'agit des premiers attentats du genre dans l'histoire de ce pays sahélien très pauvre engagé depuis début 2013 au Mali voisin, aux côtés de troupes françaises et africaines, contre des mouvements jihadistes.
Le Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest (Mujao), l'un des groupes armés qui occupaient le nord du Mali depuis 2012 avant d'en être chassés depuis janvier, a revendiqué ces attaques.
"Grâce à Allah, nous avons effectué deux opérations contre les ennemis de l'islam au Niger", a déclaré à l'AFP le porte-parole Abu Walid Sahraoui. "Nous avons attaqué la France, et le Niger pour sa coopération avec la France dans la guerre contre la charia" (loi islamique), a-t-il lancé.
Le Mujao a déjà commis plusieurs attentats-suicides dans le nord du Mali depuis la reprise de cette région par les troupes françaises et africaines, mais c'est la première fois qu'il revendique de tels attentats en dehors du Mali et de l'Algérie.
Le premier attentat à la voiture piégée jeudi a visé un camp militaire d'Agadez, vers 05H00 (04H00 GMT).
Le ministre nigérien de la Défense, Mahamadou Karidjo, a fait état de "20 morts côté ami", sans plus de précision. Plus tôt, le ministre de l'Intérieur Abdou Labo a parlé de "18 militaires et un civil" tués. Une quinzaine de militaires ont été blessés, dont six graves, et au moins trois assaillants tués, selon Niamey.
Un "kamikaze s'est enfermé dans un local avec des otages élèves officiers" en formation à Agadez, a ajouté Abdou Labo. Selon lui, "les dispositions sont prises pour arrêter le kamikaze" et libérer les "quatre à cinq" otages, toujours dans l'enceinte même du camp.
Le président français François Hollande a averti que Paris appuierait "tous les efforts des Nigériens pour faire cesser la prise d'otages" et "anéantir" les auteurs des attaques.
"Des forces spéciales françaises participent" d'ailleurs, aux côtés des troupes nigériennes, aux efforts pour libérer les otages, selon une source sécuritaire nigérienne.
L'Algérie, victime en janvier d'une prise d'otages massive et sanglante sur le site gazier d'In Amenas, a condamné avec "la plus grande fermeté" les attentats au Niger, de même que l'Union européenne et les Etats-Unis.
Les autorités nigériennes regardent vers la Libye voisine. "Les kamikazes viennent effectivement de Libye", qui devient "un sanctuaire des terroristes", a assuré un haut responsable civil de la région d'Agadez.
Un habitant de la ville, Barka Sofa, a évoqué "une forte explosion devant le camp, suivie de rafales et d'échanges de tirs à l'arme lourde".
"L'explosion a eu lieu à l'intérieur même du camp" et a fait "beaucoup de dégâts", a rapporté un journaliste local, décrivant "des bâtiments détruits, des corps déchiquetés de kamikazes sur le sol".
Areva encore visé
Environ une demi-heure après le premier attentat, un autre véhicule a explosé sur un site du groupe nucléaire français Areva à Arlit (240 km au nord d'Agadez), a indiqué un employé de la Somaïr, une filiale d'Areva exploitant l'uranium dans la zone.
"Un homme en treillis militaire conduisant un véhicule 4x4 bourré d'explosifs s'est confondu avec les travailleurs de la Somaïr et a pu faire exploser sa charge devant la centrale électrique de l'usine de traitement d'uranium située à 7 km d'Arlit", a-t-il affirmé.
Deux kamikazes sont morts, selon les autorités. Un salarié nigérien a été tué et quatorze autres blessés et hospitalisés, a fait savoir Areva.
Après les "dégâts" causés par l'attaque, "la production a été mise à l'arrêt", selon le groupe, présent depuis des décennies au Niger.
Areva a qualifié d'"odieuse" cette "attaque terroriste" et annoncé un renforcement de la sécurité sur ses différents sites, assuré par les forces nigériennes.
Après ce double attentat, le gouvernement a décrété un deuil national de trois jours à compter de ce jeudi.
Le Niger a subi ces dernières années plusieurs attaques et enlèvements perpétrés par des groupes islamistes, notamment dans le nord du pays.
Sept employés d'Areva et d'un sous-traitant avaient été enlevés le 16 septembre 2010 à Arlit par Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi). Quatre Français restent aux mains de leurs ravisseurs.
Depuis le lancement de l'opération franco-africaine dans le nord du Mali, l'armée nigérienne avait renforcé la surveillance de sa frontière longue et poreuse avec ce voisin pour limiter l'infiltration d'éléments islamistes. Niamey s'inquiète aussi de l'instabilité dans le Sud libyen et au Nigeria, son voisin du Sud en proie aux islamistes de Boko Haram.
bur-tmo/de