CS/10970
Conseil de sécurité
6946e séance – matin
Au terme d’un débat relatif à la « prévention des conflits en Afrique: s’attaquer aux causes profondes », le Conseil de sécurité a souligné, ce matin, dans une déclaration présidentielle, la nécessité de répondre aux causes sous-jacentes des conflits qui affectent le continent africain et à la dimension régionale de ces conflits. Cette séance du Conseil de sécurité, qui a été présidée par la Ministre des affaires étrangères et de la coopération du Rwanda, Mme Louise Mushikiwabo, était axée sur la prévention structurelle des conflits, à savoir leurs causes politiques et socioéconomiques.
Dans sa déclaration, M. Ban Ki-moon, Secrétaire général de l’ONU, a indiqué que plusieurs facteurs sont à la source des conflits, que ce soit en Afrique ou ailleurs, et a cité à cet égard la faiblesse des institutions, les violations des droits de l’homme, ou la répartition inégale des ressources, des structures de santé ou du pouvoir au sein d’un pays. « En outre, les tensions persistent là où les individus sont exclus, marginalisés, et là où leur participation utile n’est pas assurée dans la vie politique ou sociale », a souligné M. Ban. Pour empêcher les conflits, le Secrétaire général a mis l’accent sur la bonne gouvernance, en particulier à travers le renforcement de la démocratie, ainsi que la création d’institutions d’État solides, responsables et plus efficaces. « Il faut également œuvrer à promouvoir l’état de droit et à établir un contrôle véritablement démocratique sur les forces armées de chaque pays », a-t-il préconisé. Le Secrétaire général a passé en revue plusieurs crises aux causes complexes, notamment dans la corne de l’Afrique ou dans la région des Grands Lacs. Dans tous les efforts déployés par les Nations Unies en Afrique, il a souligné que l’Organisation tire avantage des organisations régionales existantes « qui ont retrouvé une nouvelle vigueur ».
Pour le Ministre des affaires étrangères et de la coopération du Togo, M. Elliot Ohin, les conflits internes qui éclatent en Afrique prennent souvent leurs racines dans « l’apprentissage laborieux de modèles de gouvernement et de concepts politiques exogènes ». Le Ministre d’État togolais a notamment relevé que le tracé des frontières, hérité de la colonisation, apparaissait comme une source majeure de conflits sur le continent. En outre, il a plaidé pour que la gouvernance économique des États africains soit repensée à travers un changement de mentalités, car les problèmes économiques du continent sont dus à la mauvaise gestion de ses nombreuses ressources.
« L’Afrique d’aujourd’hui n’est plus l’Afrique des années 80 ni celle des années 90 », a, pour sa part, souligné le représentant de l’Éthiopie, M. Tekeda Alemu, dont le pays assume la présidence de l’Union africaine. Il a noté que les dirigeants africains avaient été en mesure de réaliser des progrès importants, comme cela a été démontré en Somalie notamment, ou de gérer des situations complexes, comme celle existant entre le Soudan et le Soudan du Sud. « Les organisations sous-régionales du continent jouent un rôle clef en faveur de la paix et de la stabilité », a souligné M. Alemu. Selon lui, la qualité des relations entre l’ONU et l’Union africaine peut encore être améliorée, en se basant sur la force de l’une et de l’autre », a-t-il insisté
De son côté, la Ministre des affaires étrangères et de la coopération du Rwanda, Mme Mushikiwabo, qui présidait la séance, a fait remarquer que près de 70% de l’ordre du jour du Conseil de sécurité concernent les conflits en Afrique. Or, a-t-elle demandé, « nous acquittons-nous de notre mandat si nous n’examinons pas les facteurs qui provoquent ceux-ci? ». Elle a souligné que, depuis sa création, voilà 50 ans, l’Organisation de l’Unité africaine (OUA) avait démontré que les Africains étaient capables de travailler ensemble pour prévenir et régler les conflits. Aujourd’hui, l’Union africaine doit cependant « faire plus et mieux, et elle a décidé de le faire », a-t-elle ajouté. Le Rwanda a également mis en évidence l’expérience en matière de prévention des conflits acquise avec la justice et le processus de réconciliation tiré des tribunaux gacaca, qui ont fermé leurs portes en juin 2012 après avoir traité plus de 2 millions de cas liés au génocide rwandais de 1994. Ce point de vue a été soutenu par le représentant de la Chine, qui a dit que la communauté internationale devrait aider les Africains à résoudre leurs problèmes par des voies africaines et respectant leurs vrais besoins et leurs traditions.
Parlant de justice, Mme Mushikibawo a assuré que le Rwanda a toutes les raisons d’appuyer un système robuste de justice internationale, mais qu’il ne croit pas que la Cour pénale internationale (CPI), telle qu’elle fonctionne aujourd’hui, peut prévenir les conflits ou empêcher l’impunité.
Plusieurs membres du Conseil de sécurité, États parties au Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI), comme l’Argentine, l’Australie, la France, le Royaume-Uni, le Luxembourg et la République de Corée, ont d’ailleurs regretté que la déclaration présidentielle du Conseil de sécurité ne fasse pas mention de la CPI. « La justice joue un rôle essentiel dans la prévention des conflits, car elle est essentielle pour rappeler que le recours à la violence est illégal », a dit le représentant de la France.
Pour les États-Unis, prévenir les conflits nécessite de mettre en place des institutions capables et légitimes de gouvernance. Mais la présence d’une société civile efficace et de médias libres peut aussi augmenter la confiance que les citoyens ont envers le système politique, leur permettre de se faire entendre et de faire comprendre leurs préoccupations.
Saluant la spécificité des organisations régionales, la Fédération de Russie a proposé de renforcer le partenariat entre le Conseil de sécurité de l’ONU et le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine. Pour lever les obstacles qui empêchent de transformer le continent africain en un continent de paix, il faut se reposer sur un partenariat égal et mutuellement avantageux, sans connotation idéologique, a préconisé le représentant russe.
Le Rwanda avait élaboré un document de réflexion afin de guider les débats du Conseil.* On pouvait y lire que, durant ses 40 premières années, le Conseil de sécurité n’a créé qu’une seule opération de maintien de la paix en Afrique, l’opération des Nations Unies au Congo, en 1960. Mais, durant la période allant de 1989 à 2011, 25 opérations ont été mandatées en Afrique.
- S/PRST/2013/4 (à paraître en français) ** S/2013/204