DAKAR, 21 mars 2013 (IRIN) - Les raids aériens et les affrontements au sol ont laissé les régions du nord et du centre du Mali truffées de munitions non explosées (unexploded ordnance, UXO) qui mettent sérieusement en péril la vie des enfants et empêchent le retour des personnes déplacées.
Le Mali a sombré dans le chaos début 2012, et l'offensive lancée en janvier 2013 par les forces françaises pour contenir l'avancée vers le sud des militants islamistes a entraîné une intensification des combats et de nouveaux déplacements de population.
Parmi les 53 personnes qui ont été blessées par des explosifs abandonnés entre avril 2012 et mars 2013, 38 étaient des enfants. Cinq enfants et deux adultes ont également été tués pendant cette période, selon le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF).
« Nous recommandons vivement aux habitants de ne pas rentrer tout de suite chez eux, car la sécurité n'a pas encore été rétablie. [L'élimination des] mines antipersonnel [et des munitions non explosées] est l'une des conditions préalables au retour des personnes déplacées. Nous les exhortons donc à demeurer là où elles sont pour le moment », a dit Eduardo Cue, porte-parole du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR) au Mali.
M. Cue a dit que des rapports non confirmés indiquaient qu'environ 250 personnes rentraient chez elles chaque semaine. « La route est ouverte et il y a des bus qui desservent la région de Mopti depuis Bamako, mais l'afflux est très limité. Les responsables des gouvernements locaux et régionaux ne sont pas encore rentrés et il n'y a donc pas d'administration dans ces régions. Les services n'ont pas encore repris », a-t-il dit à IRIN.
Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA), environ 431 000 personnes (260 665 PDIP et 170 313 réfugiés) ont été déplacées et 4,3 millions d'habitants ont besoin d'une aide humanitaire.
Les obus d'artillerie, les roquettes, les grenades, les balles, les bombes aériennes et les mortiers abandonnés ont surtout été retrouvés dans les villes de Diabali, de Douentza, de Konna et de Gao.
« [Les munitions non explosées] sont partout ; dans la rue, près des écoles et des centres de santé », a dit à IRIN Hector Calderon, responsable des communications de l'UNICEF au Mali. « Les enfants sont plus vulnérables parce qu'ils jouent, qu'ils courent dans tous les sens et qu'ils peuvent, par curiosité, décider de ramasser des munitions abandonnées. »
À la suite du renversement du gouvernement malien, en mars 2012, le nord du pays a été successivement contrôlé par les rebelles séparatistes touaregs et par des militants islamistes liés à Al-Qaida. Les militants islamistes ont été chassés de la plus grande partie de la région, mais l'accès des travailleurs humanitaires est toujours difficile et la situation sécuritaire demeure incertaine.
Sidiki, 13 ans, décrit les dommages infligés à son école, à Konna, pendant les combats.
« Des soldats tiraient des missiles juste derrière l'école. Ça faisait beaucoup de bruit et j'étais effrayé. J'avais peur qu'on reçoive des balles », a dit Sidiki à l'UNICEF. « Nous avons fui. Nous avons tous couru nous réfugier chez nous. »
« À notre retour, nous avons constaté les dégâts. Il y avait de gros trous dans les murs et [des munitions] partout dans la cour de l'école, toutes sortes de munitions... petits et gros calibres. »
« Menace directe »
« En plus de constituer une menace directe pour la vie et l'intégrité physique, la présence de débris de guerre explosifs affecte négativement les moyens de subsistance et perturbe la vie quotidienne des habitants. La présence de ces objets dangereux est une source évidente de crainte et de détresse qui empêche les communautés affectées de reprendre une vie normale », a dit Marc Vaillant, responsable de programme auprès du Service de la lutte antimines des Nations Unies (UNMAS) au Mali.
En décembre, l'UNICEF estimait à au moins 100 000 le nombre d'enfants à risque d'être blessés par des munitions non explosées. Ce nombre a par ailleurs doublé depuis le début de l'offensive dirigée par l'armée française et l'escalade des hostilités qui s'est ensuivie.
« Les civils sont conscients de la menace que représentent ces explosifs », a dit M. Calderon. « J'ai vu une mère qui hésitait à amener son enfant au centre de santé parce qu'elle craignait qu'il y ait des munitions non explosées. Il est évident que leur présence a un impact sur la vie des membres de ces communautés. »
Les munitions non explosées proviennent surtout des récents affrontements, mais, selon l'UNMAS, il pourrait également y avoir des mines antichars dans le nord du Mali, le long de la frontière algérienne, qui dateraient d'avant le conflit.
Les engins explosifs improvisés (EEI) qui peuvent être déclenchés à distance, les attentats suicides ou aux voitures piégées, le stockage non sécurisé des munitions et la prolifération généralisée des armes légères et de petit calibre font aussi partie des menaces sécuritaires qui pèsent sur le Mali, a indiqué l'UNMAS.
« Nous avons le devoir de remédier à cette situation en déployant rapidement des équipes d'enquête et d'élimination [des munitions non explosées] et en sensibilisant les personnes exposées aux risques », a dit M. Vaillant à IRIN. L'UNMAS a déployé des équipes d'enquête dans les régions de Mopti et de Tombouctou et formé 30 soldats de l'armée malienne pour éliminer les munitions non explosées.
Les forces françaises, qui combattent actuellement les rebelles islamistes aux côtés des troupes tchadiennes dans le massif des Ifoghas, près de la frontière algérienne, ont récemment découvert environ 800 kilogrammes de matières explosives dans une maison de Gao. C'est là que, le mois dernier, des petits groupes de militants ont lancé des attaques de représailles, notamment des attentats suicides, après que le gros de leurs forces eut été chassé de la ville. [ http://news.yahoo.com/french-mali-troops-recover-explosives-gao-13592812... ]
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