03/19/2013 10:00 GMT
Par Serge DANIEL
SEVARE (Mali), 19 mars 2013 (AFP) - "Je ne veux pas pour le moment retourner chez moi. La guerre n'est pas encore terminée, et je n'ai pas à manger dans mon village", lâche une jeune femme. Comme elle, de nombreux déplacés du camp de Sévaré, dans le centre du Mali, n'envisagent pas encore de rentrer dans le Nord.
Près de 600 personnes vivent sous des dizaines de tentes dans ce camp de déplacés géré par les autorités locales avec le concours de l'ONU et d'organisations humanitaires, installé sur un site écrasé par un soleil brûlant à environ 600 km au nord-est de Bamako.
Si une opération armée franco-africaine a permis depuis janvier de reconquérir les grandes villes du nord du Mali telles que Gao, occupées depuis l'an dernier par des groupes islamistes armés, Mariétou, une mère de famille quinquagénaire, attend encore.
"Je ne veux pas repartir tout de suite dans mon village qui est non loin de Gao. Il paraît que les islamistes sont toujours dans mon village. Et comment je vais manger?", glisse-t-elle, entourée de cinq de ses enfants.
Plus loin, des enfants jouent au foot, d'autres s'amusent près des robinets qui crachent de l'eau potable. A l'entrée du camp, de nombreuses femmes assises sur des nattes regardent la télévision.
"Certains qui étaient ici sont repartis chez eux, mais beaucoup d'autres ne veulent pas retourner", confirme Aïcha Dembélé, animatrice dans le camp.
Sur place, les déplacés ont droit à des rations alimentaires, grâce au Programme alimentaire mondial (PAM) notamment, et reçoivent des soins médicaux.
"Nous ne pouvons pas pour le moment avoir tout ça dans aucune des trois régions du Nord, si nous retournons là-bas", fait valoir Boubel, un jeune éleveur qui dit avoir perdu tout son troupeau à cause de la crise dans le pays.
Stress
A l'infirmerie, le docteur Souleymane Sanogo raconte recevoir des déplacés qui parfois "souffrent d'ulcère à cause du stress". "En discutant avec eux, on se rend compte que le stress s'explique par le fait qu'ils ont pour le moment peur de rentrer chez eux".
Il montre du doigt une femme assise sur un banc, tête baissée: elle aussi refuse de regagner son village de la région de Tombouctou, mythique cité du Nord-Ouest, même si son mari et trois de ses six enfants ont déjà pris le chemin du retour.
A Sévaré et à Mopti, la grande ville du centre dont le bourg de Sévaré dépend administrativement, et dans les environs, il y a au total quelque "40.000 personnes déplacées venant essentiellement" du Nord et vivant dans des camps ou des familles d'accueil, explique Ibrahima Hama Traoré, gouverneur de la région de Mopti.
"La vie reprend son cours normal dans la région depuis l'intervention des troupes franco-africaines, mais la situation des déplacés reste quand même une préoccupation", insiste-t-il.
Après une visite de ce camp, Ertharin Cousin, la directrice exécutive du PAM, a d'ailleurs averti dimanche que "la crise n'est pas terminée au Mali", même si les combats sont désormais concentrés dans l'extrême Nord-Est, où est retranché le gros des jihadistes.
Quelque 170.000 Maliens ont fui le nord du Mali pour des pays voisins et 260.000 autres ont été déplacés dans le pays depuis début 2012, selon l'ONU. Le PAM compte apporter en 2013 une assistance alimentaire à plus d'un million de personnes au Mali, pays frappé en outre l'an dernier - notamment dans le Nord - par une nouvelle sécheresse comme ses voisins du Sahel.
Mais selon le maire de Mopti, Oumar Bathily, la présence des déplacés pose un autre sérieux problème, lié à la scolarisation des enfants.
"Trois mille enfants déplacés sont scolarisés dans les localités de Mopti et de Sévaré, ainsi qu'aux alentours", indique-t-il. Résultat: les salles de classe sont bondées, pénalisant gravement les cours.
"Aujourd'hui, dans une salle de classe à Mopti ou à Sévaré, il y a 180 élèves", souligne le maire. "C'est la catastrophe".
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