Dans un pays où la malnutrition est un véritable fléau, Terre des hommes a décidé de cibler son action auprès des familles où au moins l’un des enfants est malnutri. Ancien coordinateur de terrain dans la Banda de Gaza (territoires palestiniens occupés), Paolo Pennati est arrivé au Mali en septembre 2012. Depuis la capitale Bamako, le nouveau délégué revient pour nous sur la situation au Mali, les conditions de vie des déplacés internes, ainsi que sur le programme d’aide humanitaire mis en œuvre par les équipes de Tdh et qui appuiera les centres de santé au cours des 12 prochains mois.
Quelles principales raisons vois-tu à l’intervention de Terre des hommes au Mali ? Pourquoi les enfants y sont-ils plus vulnérables qu’ailleurs ?
Il y a moins de trois ans encore, le Mali était une référence régionale au sein de la communauté internationale pour son parcours de développement. Depuis l’année dernière, le pays a connu de graves troubles politiques internes à l’image du Coup d’Etat en Mars 2012 et de la guerre qui a divisé le pays en deux et provoqué l’instabilité. De plus, historiquement et bien avant les récents évènements, le Mali a connu plusieurs conflits entre les populations du nord et du sud du pays. Depuis la chute de Kadhafi, plusieurs mercenaires, formés et équipés en Libye, sont rentrés dans le nord du Mali faisant resurgir les oppositions. Aujourd’hui, le nord est entre les mains de trois groupes armés islamistes AQMI, MUJAO, Ansar Dine alors que le sud est sous contrôle des autorités intérimaires de Bamako. Compte tenu des conséquences directes de la guerre, l’aide bilatérale s’en est fortement ressentie. Enfin, le climat joue un très grand rôle dans la vulnérabilité des familles. A l’image de toute la région du Sahel, le Mali a connu de terribles sécheresses en 2010 et 2011. Malgré une année 2012 plutôt bonne en terme de récoltes, le phénomène de malnutrition reste extrêmement alarmant. Ces éléments mis en commun ont créé un « cocktail explosif » où ce sont les faibles, surtout les enfants et les femmes enceintes et allaitantes, qui en paient le prix. Même si certaines organisations ont déployé des projets de développement au Mali depuis de nombreuses années, aujourd’hui, il faut répondre à l’urgence, tout en gardant à l’esprit la nécessité d’amener des réponses adaptées à long terme. Dans l’immédiat, nous nous activons au quotidien pour soutenir les centres sanitaires déjà en place.
Quelles conséquences les conflits au nord du Mali ont-ils sur les interventions de Tdh dans la région de Ségou, notamment en terme d’afflux de population?
Contrairement aux camps de réfugiés maliens en Mauritanie et au Burkina Faso, il n’existe pas de camps de déplacées au Mali. A Ségou, par exemple, nous ne rencontrons que des déplacés internes. Au niveau du pays, l’OCHA (Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies) estime le nombre de déplacés internes à 227’206 personnes au 31 décembre 2012 et dénombre 14'242 nouveaux cas pour le mois de janvier 2013. Il faut rappeler que le Mali n’a jamais véritablement connu de conflits armés internes et les populations découvrent les conséquences d’une guerre. Depuis le début de l’intervention militaire française en début d’année, seules les personnes les plus « aisées » disposent de moyens pour se déplacer vers le sud ou pour reprendre la route du nord. En ces temps difficiles, nous voyons pourtant une grande solidarité se développer entre les Maliens. l’Etat a mis sur pied un système de familles d’accueil pour les déplacés du nord. Depuis le début des conflits, beaucoup de familles n’hésitent pas à héberger et entretenir les plus vulnérables. Malheureusement, personne ne sait comment la situation va évoluer et cette entraide peut au bout de quelques mois amener à de grosses tensions entre les familles. Au final, comme souvent, ce sont les enfants qui en souffrent le plus.
Quelles mesures peuvent être prises par Tdh pour tenter d’endiguer la malnutrition au Mali ?
Nous ne cherchons pas à remplacer les activités mises en place par l’Etat, mais plutôt à appuyer et réactiver les services de santé maliens. Concrètement, des centres existent pour les enfants atteints de malnutrition aigüe, mais les ressources financières et matérielles manquent, ne permettant pas de traiter les nombreux cas de malnutrition. En plus, si l’enfant et son entourage n’habitent pas à proximité du centre, ils n’ont tout simplement pas de quoi s’offrir le transport. Si malgré le coût, ils arrivent tout de même à se rendre dans le centre, le traitement est censé durer environ 10 jours et le simple fait de devoir payer un repas chaque jour pour l’accompagnant constitue une somme bien trop importante. Pour soulager les familles, Tdh appuiera les centres de santé au niveau technique, en prenant en charge les coûts de transport et les frais pour la nourriture des accompagnants. Nous devons continuer de soutenir les familles pour qu’elles n’abandonnent pas un traitement indispensable pour leurs enfants.