01/24/2013 09:28 GMT
Par Michel MOUTOT
SEVARE (Mali), 24 jan 2013 (AFP) - Ils vivent depuis des mois sous la tente, le transistor collé à l'oreille. Les déplacés maliens de Sévaré en sont sûrs maintenant: l'heure du retour chez eux, dans le Nord, va bientôt sonner.
Près de 600 personnes - 70 familles - ont été installées par les autorités locales dans ce gros bourg à 610 km au nord-est de Bamako, dans un bâtiment neuf destiné au repos des chauffeurs de camions, quand ils ont fui, à l'hiver et au printemps 2012, l'offensive des forces touareg et islamistes sur leurs villages du nord du pays.
Avec l'offensive de l'armée française et le reflux vers le Nord des combattants intégristes et indépendantistes touareg, tous assurent être prêts à faire leurs paquetages et ravis à l'idée de retourner dans leurs villages.
Son bébé Ibrahim, né à Sévaré, accroché à son sein, Mariam Sisoko, 27 ans, trois autres enfants, venue de Gossi (420 km à l'est de Sévaré), dit dans un grand sourire: "Merci à l'armée française, à tous les Français. Dans un mois ou deux ou trois, grâce à Dieu, on va rentrer chez nous".
"Depuis qu'on a appris l'attaque des Français, on prépare un peu les bagages. On n'a que quelques habits. Dès que la guerre est finie, on rentre à la maison ! Mais sans le président Hollande, c'est sûr, on aurait fui jusqu'au Sénégal ou en Côte d'Ivoire !"
Le secrétaire du camp Boakar (dit "Blake") Traoré, 56 ans, était mécanicien à Hombori (320 km à l'est de Sévaré). "J'ai fui le MNLA (rébellion touareg). Ils ont attaqué mon garage. Ils voulaient mon stock de pièces détachées mais surtout me prendre en otage, pour me forcer à réparer leurs Toyota", dit-il.
"Les barbus, au moins, ils paient"
"Maintenant c'est Ansar Dine (groupe islamiste armé) qui tient Hombori. Ils ont chassé le MLNA. J'ai deux employés qui sont restés. Ils sont forcés de travailler pour eux. Les barbus, au moins, ils paient. Un peu, ce qu'ils veulent. Mais le MLNA, ils ne paient jamais. C'est de l'esclavage. Je leur ai déjà échappé (lors de leur rébellion contre l'état malien) en 1992".
"Moi, je suis laïque", poursuit Blake. "Mon surnom vient des séries américaines. Je vais à la fois à l'église et à la mosquée: tous les chemins sont bons pour aller vers Dieu. Et ça, ils détestent. Ils ont tué le chef de village. Pour nous, c'était comme un roi."
Des dizaines d'enfants courent sur la grande esplanade fermée par des murs. Il y a une salle de classe, les sanitaires sont neufs. L'alimentation est fournie par le ministère malien de l'Action sociale, avec des aides du Programme alimentaire mondial de l'ONU, des ONG Care et Catholic Relief Service. Les tentes de grosses bâches blanches sont marquées "Swiss Red Cross".
Adama Touré, 24 ans, rentre en vélo de la ville, un petit sac plastique plein de sucre au guidon. "Toute notre famille est ici, plus de trente personnes", dit-il. "Quand nous sommes partis, le camionneur nous a fait payer 10.000 CFA (15 euros) par personne. On n'avait pas l'argent, on a mis un mois à rembourser en travaillant un peu par ici..."
Lui aussi vient d'un village dans la région de Gossi. "On veut tous rentrer chez nous. On n'a plus de nouvelles de nos parents sur place depuis plusieurs jours, le réseau téléphone ne passe plus. Ils disaient que c'était calme, mais un peu. Nous sommes des agriculteurs et des apprentis mobiles. On ne sait pas ce qu'on va trouver là-bas. Je crois que nos troupeaux ont tous été mangés".
Une de ses vieilles tantes lève les yeux de la tête d'une petite fille sur laquelle elle fait des séries de tresses. "Même s'il n'y a plus rien, s'ils ont rasé nos maisons, nous devons rentrer", dit-elle en bambara, traduite par Adama. "Nous rachèterons du bétail. C'est chez nous, nous n'avons rien d'autre".
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