Au treizième jour de l’offensive française Serval, des bombardements aériens ont été lancés dans la banlieue de Tombouctou (nord) contre des positions sous contrôle de combattants d’Al Qaeda au Maghreb islamique (Aqmi). Certains témoignages repris par des sources de presse internationales ont indiqué qu’une réserve de carburant, un dépôt d’armes ainsi que le siège local de la chaîne de radio-télévision publique malienne (Ortm) et une école dont les miliciens avaient fait leur quartier général ont été détruits dans les bombardements.
Après la reconquête il y a quelques jours des villes de Konna, Diabaly et Douentza, au centre du pays, l’opération conjointe franco-malienne se poursuit en direction de la vaste région désertique du Nord, occupée depuis avril 2012 par des groupes islamistes. La région de l’Azawad est devenue le fief de l’Aqmi ainsi que des mouvements d’Ansar Dine et du Mouvement pour l’unité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao) qui en ont chassé les rebelles touareg du Mouvement national de libération de l’Azawad (Mnla). Si pour certains observateurs et experts militaires, la phase la plus “longue et difficile” du conflit vient de commencer, à Bamako, l’état-major de l’armée prévoit qu’un mois maximum sera nécessaire pour libérer Tombouctou et Gao à condition de recevoir des soutiens importants.
Le début d’une nouvelle phase de l’opération Serval (qui tire son nom d’un félin africain) s’est néanmoins accompagné de dénonciations pour de graves violations des droits de l’homme prétendument commises par les soldats maliens. Les troupes de Bamako, selon la Fédération internationale des Droits de l’Homme (Fidh), se seraient rendues coupables d’une série d’exécutions sommaires depuis le 10 janvier dernier dans les villes centrales de Sévaré, Mopti et Nioro, ainsi que dans d’autres régions où ont fait rages les combats des derniers jours. Dans la capitale, la Fidh fait état de pillages et d’actes d’intimidation dans plusieurs habitations de Maliens d’origine touareg. La Fidh a appelé les autorités maliennes, françaises et la communauté internationale à créer une commission d’enquête indépendante pour élucider ces crimes. “Il y a un vrai danger que les Touaregs soient victimes de massacres et d’autres exactions, non seulement de la part de l’armée malienne mais aussi de certaines milices d’auto-défense formés par d’autres groupes ethniques maliens, comme les Ganda Koï et les Ganda Izo”, a mis en garde Peter Bouckaert, directeur de la section Urgences de l’organisation Human Rights Watch. Face à un tel péril, de plus en plus concret au fur et à mesure que la ligne du front se déplace vers l’Azawad, les députés maliens originaires du Nord ont lancé un appel aux différentes communautés qui composent la société malienne, pour les inviter à ne pas se mettre les unes contre les autres et à ne pas se laisser influencer négativement, rappelant que le Mali est le pays de “la coexistence et du pardon”.
Pendant ce temps, les pays de l’Ouest africain voisins du Mali ont envoyé leurs premières troupes pour soutenir l’action des armées maliennes et françaises. Une colonne de véhicules blindés tchadiens aurait déjà franchi la localité nigérienne d’Ouallam et continuerait sa route en direction du Nord du territoire malien. En outre, 500 militaires déployés par Niamey accompagneraient les soldats tchadiens en direction de Gao. L’offensive sur le front septentrional devrait également voir la mobilisation des effectifs maliens contraints en avril dernier à se replier au Niger, après avoir été battus par les rebelles islamistes. À Lomé, les autorités togolaises ont annoncé qu’elles contribueraient à la Mission internationale de soutien au Mali (Misma) à hauteur de 733 hommes. Près de 450 soldats sénégalais, sur les 500 promis au Mali, ont commencé l’entraînement avec des instructeurs français dans le camp militaire de Dodji, village situé au nord-est de Dakar.
Les Etats-Unis ont quant à eux apporté une première contribution logistique, qui vient s’ajouter à une aide en services de renseignements. Benjamin Benson, porte-parole des forces armées américaines en Afrique (Africom), a confirmé la participation de l’aviation américaine, qui a mis ses appareils à la disposition de la France, mais sans fournir de plus amples détails à ce sujet. En outre, Washington aurait déployé une centaine d’instructeurs militaires privés au Niger, au Nigeria, au Burkina Faso, au Togo et au Sénégal pour former les troupes qui prendront part aux opérations au Mali.
Sur le plan diplomatique, le Secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, a exprimé un timide soutien à l’intervention de Paris. Tout en la qualifiant d’opération “courageuse”, il a surtout insisté sur les risques susceptibles d’être encourus par les agents humanitaires et le personnel de l’Onu en cas de soutien logistique direct à la mission par les Nations unies. Le secrétaire général de l’Onu a également suggéré de trouver avant tout une solution politique à la crise sur le plan politique. L’Union africaine (UA) a quant à elle convoqué à Addis-Abeba une réunion des ministres des Affaires étrangères de ses Etats membres ainsi qu’une conférence de donateurs pour recueillir les fonds nécessaires au déploiement et au financement de la Misma, à la veille de son 20ème Sommet, prévu à la fin du mois. D’autre part, redoutant une nouvelle détérioration des conditions de sécurité locales, le Japon a décidé de fermer provisoirement sa représentation diplomatique à Bamako.
(VV/CN)