Un an après le début de la crise au Mali, l'insécurité causée par le coup d’Etat militaire, la rébellion touareg et la présence des groupes islamistes armés au nord, a entraîné le déplacement de centaines de milliers de personnes. En Mauritanie, près de 55 000 réfugiés continuent de survivre dans des conditions précaires à l’intérieur du camp de Mbéra. Une enquête de MSF vient de révéler des taux de mortalité et de malnutrition critiques parmi les réfugiés. Karl Nawezi, responsable des activités de MSF en Mauritanie, décrit cette situation alarmante.
Quelle est la situation dans le camp de Mbéra ?
MSF a mené une enquête nutritionnelle et de mortalité rétrospective, en novembre 2012. Celle-ci révèle une situation nutritionnelle critique, qui est loin de s’être améliorée depuis l’arrivée des premiers réfugiés en janvier 2012 : près d’un enfant sur cinq (17%) est malnutri, et 4,6% des enfants souffrent de la forme la plus sévère de malnutrition. MSF a également mis en évidence un taux de mortalité qui dépasse les seuils d’urgence chez les enfants de moins de deux ans. Dans le camp de Mbéra, les enfants de moins de deux ans meurent deux à trois fois plus qu’ailleurs en Mauritanie, c’est inacceptable !
Quels sont les problèmes les plus urgents ?
Les personnes meurent de paludisme, d’infections respiratoires et de diarrhées. Par ailleurs, nous avons noté que seuls 70% des enfants de moins de cinq ans ont été vaccinés contre la rougeole. Or, les effets combinés de la rougeole et de la malnutrition chez les jeunes enfants sont fatals dans bien des cas. L’affaiblissement de leurs défenses immunitaires génère souvent des complications médicales comme les pneumonies ou les diarrhées. Il est donc impératif de lancer une campagne de vaccination qui puisse atteindre une couverture de plus de 95% pour les enfants âgés de six mois à 15 ans.
Quelles sont les causes de la malnutrition ?
L’aide alimentaire distribuée dans le camp n’est pas adaptée aux coutumes alimentaires des réfugiés. Leur régime alimentaire contient principalement du lait et de la viande, or ils reçoivent principalement des céréales. Résultat : on voit des femmes réfugiées revendre une partie des rations pour essayer de se procurer un peu de lait ou de viande pour nourrir leurs enfants. Certaines familles se disent même prêtes à retourner au Mali pour prendre soins de leurs troupeaux et retrouver ainsi les denrées dont elles ont besoin. Cela témoigne d’une très grande détresse.
La situation pourrait-elle s’aggraver ?
Oui, si l’assistance aux réfugiés ne s’améliore pas. Pour éviter un grand nombre de décès chez les enfants souffrant de malnutrition aiguë, il faut donc innover, repenser l’aide alimentaire. Ainsi, on pourrait très bien imaginer des activités génératrices de revenus pour les familles ou encore la distribution de chèvres dans les communautés nomades. Alors que la crise s’enlise au Mali, la perspective d’une intervention militaire limite les possibilités d’un retour prochain au pays. D’autres réfugiés continuent d’arriver. C’est pourquoi, il est important de développer des solutions à plus long terme qui puissent améliorer les conditions de vie des réfugiés.
Quelle est la réponse de MSF ?
En mars 2012, MSF a démarré un programme de nutrition et de soins de santé dans le camp de Mbira. Nous gérons deux postes de santé et un centre de soins. Nous soutenons également deux centres de santé publics dans les localités de Fassala et de Bassikounou, non loin du camp. En 2012, nous avons assuré environ 45 000 consultations et soigné près de 1000 enfants souffrant de malnutrition sévère. Nous allons maintenant renforcer les équipes afin de dépister les enfants les plus vulnérables au cœur-même de la population du camp. Nous sommes aussi sur le point d’installer une salle d’opération à Bassikounou, qui nous permettra de prendre en charge très rapidement les femmes souffrant de complications obstétricales sans devoir les référer à deux cents kilomètres, à l’hôpital de Néma.