12/22/2012 12:17 GMT
Par Serge DANIEL
BAMAKO, 22 déc 2012 (AFP) - Les islamistes qui occupent le nord du Mali y ont commis de nouvelles amputations au lendemain du feu vert du Conseil de sécurité de l'ONU au déploiement sous condition d'une force armée internationale qui devra les en chasser, au mieux à partir de septembre 2013.
Ces amputations de la main de deux voleurs présumés, vendredi à Gao (nord-est), ainsi que huit autres promises pour "bientôt", sont interprétées au Mali comme un signal des groupes islamistes armés qu'ils n'ont cure de la menace encore lointaine d'une intervention armée étrangère.
"En application de la charia (loi islamique), nous avons coupé la main de deux personnes vendredi. Huit autres personnes vont bientôt connaître le même sort", a déclaré à l'AFP Moctar Barry, un des chefs du Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest (Mujao) qui occupe Gao. "C'est la loi de Dieu et personne ne peut nous empêcher de l'appliquer", a-t-il ajouté.
Deux habitants de Gao ont confirmé ces amputations.
"J'ai vu l'un des deux amputés attaché, on lui a fait une piqûre avant l'amputation. Il a crié. Les deux amputés sont actuellement à l'hôpital, gardés", a dit l'un d'eux.
"Les islamistes ont affirmé que les amputations vont continuer. Ceux qui ont été amputés ont volé, alors que l'islam interdit le vol", a affirmé de son côté le second habitant.
Abdou Sidibé, député de Gao, a estimé que ces nouvelles amputations sont la conséquence du "laxisme de la communauté internationale". Ses "hésitations pour une intervention" dans le Nord "encouragent les islamistes à montrer qu'ils sont chez eux et qu'ils n'ont peur de rien", a-t-il affirmé.
Ces amputations ont été commises au lendemain de l'adoption jeudi par le Conseil de sécurité de l'ONU d'une résolution autorisant le déploiement, par étapes et sous condition, d'une force internationale pour reconquérir le nord du Mali entièrement occupé depuis six mois par les islamistes armés du Mujao, d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) et d'Ansar Dine (Défenseurs de l'islam).
Experts militaires et responsables de l'ONU tablent sur une éventuelle intervention à partir de septembre 2013.
"Poudre aux yeux"
Le 29 juillet à Aguelhok (nord-est), des membres du groupe Ansar Dine avaient lapidé à mort, en public, un homme et une femme auxquels ils reprochaient d'avoir eu des enfants sans être mariés.
Et depuis août, plusieurs autres amputations publiques ont été commises par les islamistes dans différentes localités du nord du pays, sans compter des centaines de coups de fouet à des couples "illégitimes", des buveurs d'alcool, des fumeurs, et autres "déviants", selon les groupes islamistes.
Des femmes non voilées ont en outre été arrêtées chez elles, et les islamistes ont également détruit des mausolées de saints musulmans classés au patrimoine mondial et vénérés par les populations locales, en particulier à Tombouctou.
Les deux amputations de Gao ont été commises le jour de l'annonce à Alger d'un accord entre la rébellion touareg du Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA, à l'origine de l'offensive lancée dans le nord du Mali en janvier avec les islamistes) et Ansar Dine.
Ils se sont engagés, sous l'égide de l'Algérie, à "s'abstenir de toute action susceptible d'engendrer des situations de confrontation et toute forme d'hostilité dans les zones qui sont sous leur contrôle" et à négocier une solution politique avec les autorités de Bamako.
"Il n'y a rien de nouveau dans ces déclarations", a réagi samedi un conseiller à la présidence malienne, interrogé par l'AFP, rappelant qu'une amorce de dialogue entre ces deux groupes et Bamako avait déjà eu lieu à Ouagadougou, où ils avaient dit en substance la même chose.
Le député de Gao Abdou Sidibé a estimé que "cette déclaration d'Ansar Dine et du MNLA, c'est de la poudre aux yeux fabriquée par l'Algérie pour éviter une intervention militaire dans le nord du Mali". Il a accusé l'Algérie de semer "la pagaille" dans cette région.
L'Algérie, puissance militaire incontournable dans le Sahel, prône une solution politique avec les groupes armés du Mali qui rejettent le terrorisme et la partition du pays, une position qui figure également dans la résolution du Conseil de sécurité de l'ONU.
sd-stb/sba
© 1994-2012 Agence France-Presse