Il y a deux ans, Hamidou Samakan, chef du village Plateau Yarou, situé au Sud du Mali, a remarqué d’importants changements dans le village voisin de Gouna. Le village était propre, pas d’excréments visibles dans ses rues...
Les habitants y construisaient des latrines à un prix abordable, balayaient les espaces collectifs, et traitaient l’eau avec du chlore. Dans le village de Hamidou, les gens déféquaient encore en plein air. Peu de ménages disposaient de latrines, et la diarrhée et la malnutrition étaient monnaie courante.
Le village de Gouna avait entrepris de mettre fin à la défécation en plein air dans le cadre d’une action conduite par la communauté locale et visant tous les aspects de l’assainissement.
Le projet WASHplus, financé par l'Agence des États-Unis pour le développement international (USAID) et dirigé par l'ONG FHI 360 en partenariat avec CARE et Winrock International, travaille avec les communautés du Mali pour améliorer l'eau, l'assainissement et l'hygiène (WASH) et réduire les maladies diarrhéiques et la malnutrition.
Cette approche qui s’appuie des sentiments de honte et de dégoût, a remporté du succès bien au-delà du village de Gouna.
«Après avoir vu ce qui se passait dans la communauté de notre voisin, nous avons décidé d'améliorer l'état de l'assainissement dans notre village», explique Hamidou.
En à peine un an, les habitants du Plateau Yarou ont construit plus de 60 latrines et réhabilitées celles qui n’avaient jamais été utilisées.
Le rôle de l’assainissement en matière de nutrition
Malgré les progrès réalisés ces dernières années, la défécation en plein air est toujours une pratique courante au Mali. Plus de 1,5 millions de Maliens – soit près de 10% de la population - défèquent en plein air, ce qui contribue à propager les maladies comme la diarrhée et les vers intestinaux
«Quand les gens défèquaient en plein air dans beaucoup de ces villages, les mouches transportaient les maladies des matières fécales sur les aliments qu'ils mangaient,» explique Sahada Traoré, responsable du projet WASHplus de CARE International au Mali.
Bien qu’un apport alimentaire inadéquat et la maladie, y compris la diarrhée, sont les principales causes de la malnutrition, le manque d'accès à l'eau potable et à l'assainissement, ainsi que l'absence de bonnes pratiques d'hygiène, sont parmi les causes sous-jacentes de la malnutrition à l'échelle mondiale et en particulier au Mali.
Lorsque les enfants ont la diarrhée, ils mangent moins et n’absorbent pas correctement les nutriments de leur nourriture. À son tour, la malnutrition les rend plus vulnérables à la diarrhée et ainsi, le cycle se répète.
Améliorer les résultats en matière de nutrition
Pour aider à lutter contre ce problème, l'OMS, en collaboration avec l'Agence des États-Unis pour le développement international (USAID) et l'UNICEF, appelle les programmes de nutrition et d’assainissement à travailler ensemble pour développer et consolider les avancées en matière de nutrition et atteindre les objectifs mondiaux importants.
Un nouveau rapport intitulé Improving nutrition outcomes with better water, sanitation and hygiene: practical solutions for policies and programmes recommande d’intégrer des interventions en matière d’assainissement, d’eau potable et d’hygiène à fort impact, comme l'amélioration de l'accès à des latrines, aux programmes de nutrition.
«L’assainissement, l’eau, l’hygiène et la nutrition sont à la base de la prévention primaire. Nous avons maintenant la preuve et des exemples concrets qui montrent que les approches intégrées améliorent la santé des gens», déclare le Dr Maria Neira, Directeur du Département Santé publique, de l'environnement et déterminants sociaux de la santé de l’OMS.
Il est recommandé notamment d’augmenter l’approvisionnement en eau, de laver les mains avec du savon, de garantir une gestion sûre de l'eau des ménages par le traitement et le stockage, de dépister la dénutrition chez les enfants, de pratiquer l'allaitement maternel exclusif et de diversifier l'alimentation des enfants avec des produits locaux.
Un village à la fois
Au Mali, les communautés de 180 villages, soutenus par WASHplus de l'USAID, ont construit leurs propres latrines - plus de 9000 en deux ans. Chaque village a identifié la meilleure façon de réduire la défécation en plein air et a été conseillé pour construire des latrines adaptées à son environnement.
À ce jour, 128 de ces villages ont été certifiées exempts de défécation en plein air, ce qui signifie que tous les ménages du village disposent d'un accès à une latrine couverte pour réduire les mouches, et de l'eau et du savon pour le lavage des mains.
«Il n'y a plus de défécation à ciel ouvert dans ces villages, et nous enregistrons une diminution des maladies diarrhéiques ainsi que du nombre des enfants dénutris,» déclare Sahada Traoré.
Au-delà de la construction de latrines, les comportements ont également changé. Les gens utilisent maintenant les latrines, se lavent les mains, traient et stockent en toute sécurité leur eau potable.
Une indispensable coopération
Avant la mise en œuvre de ce projet WASHplus, chaque programme travaillait séparément. Les programmes construisant des points d'eau, le faisaient souvent à côté de champs où les gens déféquaient, et les programmes de nutrition enseignaient essentiellement l'allaitement maternel et la préparation d’aliments riches en nutriments.
«Personne ne prenait en compte le problème de la défécation à ciel ouvert" explique Sahada Traore. «Les gens de l'approvisionnement en eau ne parlaient pas à ceux des programmes de nutrition quand ils concevaient leurs programmes et les mettaient en œuvre. Nous, on ne voyait aucune diminution des maladies diarrhéiques ou de la malnutrition.»
«Cela, c’est du passé maintenant», reconnait-il. «Nous travaillons davantage ensemble et nous voyons moins de malnutrition parce que les gens reçoivent les interventions nutritionnelles clés, mais il boivent aussi de l'eau potable, utilisent des latrines et se lavent les mains.»