RÉSUMÉ
Au Burkina Faso, le warrantage en tant qu'outil d'accès au crédit et de sécurité alimentaire est mis en œuvre par des organisations paysannes à travers ce que l'on appelle le warrantage paysan. Les organisations établissent des accords directement avec les institutions de microfinances qui facilitent les crédits, en utilisant les produits agricoles comme aval de garantie pour le recouvrement. Les variations intra-annuelles des prix permettent, dans certains cas, de générer des bénéfices ou, tout au moins, de couvrir les frais associés à l'activité, tels que les dépenses de stockage et les frais bancaires. Celui-ci garantit la conservation des récoltes dans de bonnes conditions jusqu'à la période de soudure et permet en même temps l'accès de la population paysanne au crédit. Cette étude décrit le fonctionnement du warrantage paysan au Burkina Faso et procède à une analyse de viabilité économique de l'activité dans la région Centre Nord, basée sur le stockage de haricots, du sorgho, du mil et du maïs.
Les variations de prix ne sont pas toujours suffisantes pour couvrir les coûts liés à l'activité et dépendent de facteurs comme le type de produit entreposé ou la quantité de production selon les campagnes agricoles. Dans la région Centre Nord, quelques expériences de warrantage commencent à être mises en œuvre, soumises à une production agricole très vulnérable aux risques climatiques et à une production céréalière déficitaire. Dans cette région, en raison des conditions de production, les marchés subissent souvent des fluctuations au niveau des prix plus importantes que dans d'autres zones et le warrantage pourrait donc, a priori, être potentiellement plus rentable. Cependant, la faible production de céréales et les problèmes d'insécurité alimentaire de la population pourraient entraver la réalisation de cette activité dans la pratique. Sur le terrain, il existe d'autres facteurs en lien avec l'épargne et une meilleure gestion des ressources alimentaires et monétaires dans les familles, ce qui est d'autant plus intéressant pour les paysans et les paysannes, et qui entrent en jeu au moment d'évaluer la viabilité de l'activité au-delà des aspects purement spéculatifs. Tous ces éléments ont été repris dans le travail présenté ici, lequel souhaite contribuer à améliorer la compréhension des difficultés et des contributions de cette activité, et à décrire les éléments sociaux et culturels qui ont également une influence sur son fonctionnement.
La première partie du rapport décrit le fonctionnement du warrantage paysan au Burkina Faso, les facteurs à prendre en compte pour la réalisation du warrantage, abordés en termes de risques, et décrit finalement les activités génératrices de revenus qui sont souvent associées à l'acquisition du crédit obtenu à travers le warrantage et qui ont une importance cruciale dans le bilan final de l'activité.
La deuxième partie du rapport consiste en une analyse de viabilité économique du warrantage dans la région Centre Nord, centrée sur le stockage des quatre productions principales (haricots, sorgho, mil et maïs). Pour cela, on réalise une brève mise en contexte des prix et de la production agricole et une définition des scénarios d'analyse sur lesquels se base cette étude. Ensuite sont exposés les résultats de rentabilité et de viabilité économique de l'activité, aussi bien du stockage avec accès au crédit que du stockage comme mesure de conservation.
Finalement, une discussion est lancée pour évaluer les résultats de l'analyse monétaire, qui se conjuguent avec d'autres éléments de grande importance dans la réalité et la logique paysanne et qui doivent être pris en considération pour évaluer la pertinence de cette activité, ainsi que ses potentialités et les difficultés auxquelles elle doit faire face.
Dans la région Centre Nord, ainsi que dans d'autres zones du pays où le warrantage est consolidé, la fluctuation intra-annuelle des productions étudiées ne permet pas toujours de générer des bénéfices ni de couvrir les frais associés à l'activité. Le warrantage doit donc être considéré comme une activité qui permet l'accès au crédit et facilite la conservation des récoltes jusqu'à la période de soudure, mais pas comme une activité purement spéculative.
Bien que les bénéfices monétaires ne soient pas toujours évidents et qu'il peut y avoir des pertes, les facteurs en lien avec l'épargne, la possibilité de réaliser des activités génératrices de revenus pendant les mois de stockage, et une plus grande autonomie leur permettant de ne pas dépendre des crédits usuriers et autres activités, ont également un poids énorme sur la valorisation finale de l'activité. Tout cela offre des avantages aux paysans et paysannes au-delà des bénéfices potentiels du stockage en termes de spéculation. Dans ce sens, il serait très intéressant de continuer à travailler pour étudier toutes ces questions et pouvoir valoriser les bénéfices du warrantage au-delà de cette analyse.
La dernière partie du rapport consiste en un chapitre de recommandations basées sur les vérifications faites dans le cadre de cette étude. Il est proposé aux organisations et aux paysans ne pas considérer le warrantage comme une activité spéculative mais comme un système d'accès au crédit, de planifier correctement les AGR, de garantir une bonne estimation des besoins alimentaires des familles pendant la période de stockage, de tenir compte de la logique de l'agriculture paysanne dans la planification des campagnes et d’améliorer leurs capacités de gestion et de négociation. Aux IMF, il est recommandé qu'elles assument la souscription à une assurance pour les produits stockés, qu'elles respectent les dates de visites aux entrepôts pour les contrôles de qualité, la remise du crédit dans les délais et dans de bonnes conditions en termes de sécurité, ainsi que l’assouplissement des conditions de crédit.
Enfin, au gouvernement nous recommandons de collaborer à la construction d’un plus grand nombre d'entrepôts et d'établir des liens entre les réserves locales et nationales.